Poursuivant mes investigations sur la mutation du modèle héroïque durant les années 70, je vous propose quelques réflexions sur un album certes moins qualiteux que les autres mais méritant d'être réévalué.
Titre : Le cavalier blanc
Série : Lucky Luke
Auteur : Morris et Goscinny
1ère publication : Lucky-Luke 1974.
Publication album : Dargaud 1975
Ouvrage d'étude utilisé : Album édition Dargaud.
Éléments de critique externe.
Aventure publié dans le années 70 entre « L'héritage de Rantanplan » et « La guérison des Dalton ».
Éléments d'analyse.
L'ensemble du récit repose sur le statut du héros qui se trouve remis en cause dans sa dimension d'enfant trouvé.
Le récit débute sur un quiproquo en entendant des cris Lucky Luke se précipite croyant secourir une femme en détresse et interrompt ainsi la répétition d'un mélodrame par une troupe de comédiens itinérants.
Séquence qui psychologiquement peut se lire comme une représentation de scène primitive semblable à celle que vit Tintin dans « Les cigares du pharaon » .
Les deux scènes diffèrent néanmoins du fait que Tintin assistait à un coït entre parent, tandis que Lucky Luke se trouve confronté à une scène d'arrachement de l'enfant à sa mère par une figure masculine.
Dans la pièce, la figure masculine se trouve dédoublé entre la figure noire de Mortimer et celle du cavalier blanc.
Relativement raté par rapport aux albums qui l'encadre, l'entame de l'aventure est significative de l'évolution du héros dans les années 70. Dans cette première séquence les auteurs opèrent une mise en abime permettant de dénoncer le modèle du héros redresseur de tord et défenseur de la veuve et l'orphelin.
Les auteurs conservent les procédés d'une narration parodique mais insensiblement déplacent l'objet de leur moquerie. De la parodie du western US dans les années 60 avec des albums comme « Le 20° de cavalerie » (décalque des œuvres de John Ford), ils en arrivent à se parodier eux même au tournant des années 60/70 avec les albums « Jesse James » (les premières pages hors aventures sont consacré à dresser le portrait de Lucky Luke en héros parfait) et « La guérison des Dalton » ou le héros ne cesse d'être ridiculiser dans l'exercice de sa fonction.
L'aventure du « Cavalier blanc » frappe par son inachèvement, à l'instar du mélodrame que les comédiens de la troupe de Walter Baltimore recommencent sans cesse sans jamais réussir à la finir. Le héros ne cesse de vouloir accomplir une tache conforme au rôle de héros redresseur de torts qu'il s'est attribué et qui ne cesse de se dérober à lui. Il connait peu avant la fin (Pl. 37-38) un véritable abattement.
Le dénouement de l'aventure s'effectue dans le cadre d'une séquence de théâtre dans le théâtre, c'est en finissant de jouer la fiction que le héros peut se retrouver lui-même.
L'errance du héros s'illustre par un brouillage des codes mélangeant fiction explicite (scène de théâtre) et fiction implicite (celle des personnages).
– Dans la ville des mineurs, il devient noir de suie quand tout le monde est propre (et en couleur) (P. 13-16).
– P. 21 : En rencontrant les indiens, il croit que ceux-ci portent des peintures de guerre alors que ceux-ci se rendent au théâtre.
– La fin de la pièce de théâtre tel que W. Baltimore la décrit correspond exactement à celle des aventures de Lucky Luke.
Pl. 12 3/1 :
Le cavalier blanc : « Je tue le méchant, je sauve la jeune fille et je m'en vais vers le soleil couchant en chantant ''I'm a poor lone some cow-boy...'' »
Reprise d'un schéma dramaturgique :
Le début du « Cavalier blanc » reprend un schéma narratif déjà utilisé par Hergé dans « Les cigares du pharaon » où Tintin interrompt le tournage d'un film mettant en scène une femme blanche fouette par deux arabes.