Par le pouvoir de l'amour, transforme toi!
Je crois qu’il m’est inutile d’enfoncer des portes grandes ouvertes, en vous rappelant combien l’œuvre d’Osamu Tezuka, est impressionnante, longue, dense, riche en thème et sens. L’homme était un gigantesque auteur, un forçat du dessin, et un génie du scénario, ce n’est pas pour rien qu’il est appelé le Dieu du manga.
L’apologie étant faite, parlons de ce one-shot qui est, près de 40 ans après son écriture, encore d’actualité ; en fait il le sera éternellement, puisque l’œuvre s’atèle à nous parler de l’Amour, ce merveilleux sentiment qui a permis à l’homme de se perpétuer depuis qu’il est HOMO (dans le sens taxonomique du terme).
Ce thème peut faire penser à un développement niais et rose bonbon, tant il invite à le faire, quant on en a pas grand-chose à dire, mais ce serait mal connaître Tezuka, qui livre une réflexion profonde, sombre, et en même temps exalté et touchante de ce thème.
Après une épique introduction anthropomorphisant une armada de spermatozoïdes à la conquête de la reine ovule, Tezuka introduit le personnage principal, Shôgo Chisaiki.
Ce jeune homme est dans un hôpital, en psychiatrie. Sa pathologie est d’avoir très souvent, en fait dès qu’il voit la manifestation du bonheur conjugale, de l’amour, entre deux êtres (et pour le coup des animaux), des accès de violences confinant au meurtre. Bref il est dérangé et sadique et ce n’est jamais bon lorsque l’on renie toute forme d’amour, et d’empathie.
Son docteur en charge, pense pouvoir remédier à ses pulsions malsaines grâce à la bonne vieille méthode barbare et inutiles des électrochocs.
Dans un état entre la vie et la mort, Shogo va se réveiller au sein d’une sorte de temple, devant ce qui ressemble à une statue de la déesse Athéna. Cette dernière va le condamner par là où il a péché : une infinité de vie et de mort, où s’il connaitra l’amour, lui ou sa bien-aimée mourront quoi qu’il arrive. S’inscrivant ainsi dans une punition bien mythologique façon Tantale ou Sisyphe, un cycle sans fin d’amours impossibles, une sentence pire que la mort elle-même.
Il y a bien une raison à sa maladie, et Tezuka n’est jamais bien longtemps bêtement manichéen. Vous en dévoiler plus vous enlèverait assurément une grande partie du plaisir de la découverte. Ce que je peux vous dire c’est que le chant d’Apollon aurait pu être un épisode de la Quatrième dimension, oscillant ainsi entre les codes du Fantastique et de la Science-fiction, pour mieux lui permettre de faire vivre à Shôgo un véritable chemin de réflexion et d’apprentissage de ce sentiment qu’est l’amour.
Sans excès de bons sentiments et de ficelles faciles jouant sur le pathos, Tezuka donne une dimension plutôt sombre à cette œuvre plus dramatique que de coutume. Née dans une période de troubles au sein même de sa société de production, et plus largement de la société civile, Le chant d’Apollon s’inscrit aussi dans le genre de l’époque, le Gekiga, littéralement « dessins dramatiques », destiné à un public adulte.
Recommander du Tezuka peut paraître facile tant tout le monde a vanté son travail, mais cette puissance narrative, cette facilité à transmettre et faire entendre les thèmes qu’il aborde, c’est sa marque. En plus de savoir s’adresser à tout le monde, ses récits ont une vocation universelle et intemporelle. Assurément un excellent moment de lecture, beau et intelligent.
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