Corps sage ?
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Avec Le Chemisier (2018), Bastien Vivès tisse une histoire audacieuse autour de la féminité, du désir, et de la transformation personnelle. Mais malgré une prémisse intrigante – un simple vêtement qui change tout – l’album peine à trouver l’équilibre entre profondeur psychologique et voyeurisme narratif. Résultat : une œuvre qui attire l’œil, mais laisse le cœur et l’esprit sur leur faim.
L’histoire suit Séverine, une jeune femme timide et effacée, dont la vie bascule lorsqu’elle enfile le chemisier d’un professeur, qui devient presque un catalyseur magique de sa métamorphose sociale et sexuelle. Ce "chemise ex machina" agit comme un révélateur, offrant à Séverine un nouveau rapport à elle-même et au regard des autres. L’idée aurait pu être une exploration fascinante des dynamiques de pouvoir, mais elle reste étrangement superficielle.
Séverine, bien que centrale, manque de profondeur. Si son évolution est le moteur du récit, elle est souvent réduite à un archétype : la femme qui découvre son pouvoir à travers le désir qu’elle suscite. Son introspection, pourtant cruciale dans ce genre de récit, est trop peu exploitée, laissant le lecteur plus spectateur que complice de sa transformation. Les personnages secondaires, quant à eux, servent surtout d’accessoires pour souligner son parcours, sans jamais dépasser leur fonction narrative.
Visuellement, Bastien Vivès reste fidèle à son style épuré et élégant. Les dessins minimalistes, souvent séduisants, capturent bien les moments d’intimité et de tension. Cependant, cette simplicité graphique, si efficace dans d’autres œuvres, semble ici insuffisante pour porter la charge émotionnelle et symbolique du récit. Certaines scènes, notamment les moments de confrontation ou de sensualité, manquent de subtilité et sombrent parfois dans le cliché.
Narrativement, Le Chemisier vacille entre le drame psychologique et l’étude sociale, sans jamais vraiment s’engager dans l’un ou l’autre. Les thématiques abordées – l’émancipation, le regard masculin, et l’affirmation de soi – sont intéressantes, mais leur traitement manque de nuance. L’intrigue progresse de manière mécanique, et le potentiel métaphorique du chemisier est sous-exploité, restant un simple gimmick narratif plutôt qu’un véritable levier symbolique.
L’un des aspects les plus discutables de l’album est sa tendance à osciller entre réflexion et provocation gratuite. Si Vivès cherche à explorer les zones grises du désir et du consentement, il le fait parfois de manière maladroite, laissant une impression de voyeurisme plus que d’analyse.
En résumé, Le Chemisier est une œuvre qui, malgré un concept prometteur et des dessins maîtrisés, reste trop en surface pour marquer durablement. Avec une narration qui peine à approfondir ses thèmes et des personnages qui manquent de relief, cet album ressemble à un vêtement élégant mais mal ajusté : séduisant au premier regard, mais inconfortable à porter. Un récit qui défait plus de boutons qu’il ne recoud de vérités.
Créée
le 30 déc. 2024
Critique lue 3 fois
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