Le chevalier à la licorne nous entraîne au cœur du moyen-âge, où la chevalerie française s'évertuait encore à courir sus aux archers anglois qui la piquetait de traits acérés au travers de sa protection de mailles et de plates.
Tandis que Crécy sonne le glas de la fine fleur de la chevalerie française, un des hospitaliers survit à une blessure pourtant mortelle. Son esprit, en revanche, se met à suivre une chimère dont il entrevoit partout la superbe silhouette. Celle-ci, magnifique jument à la robe d'albâtre, arbore en lieu et place d'un chanfrein une corne mythique parée de vertus.
C'est ainsi que le chevalier fait vagabond erre de terres en saisons après sa folie et tente de trouver un sens à sa survie. Ce rêve éveillé le conduira t-il à trouver une réponse ? On ne le sait trop à l'issue d'une lecture étrange dont la narration erratique pourra désarçonner.
En revanche, ce qui captivera à coup sûr le lecteur, c'est l'excellence du dessin et sa mise en couleurs exceptionnelle. Si le dessin marie à merveille un réalisme puissant (les vêtements, armure, architectures et paysages s'avèrent somptueux) et une expressivité des personnages étonnante (le héros en particulier), les couleurs forment un véritable enchantement visuel. Se situant plutôt dans des teintes pastel, elles égayent les pages de ce récit de nuances subtiles et de textures variées. Les brumes au-dessus des cours d'eau, la transparence de ceux-ci, les paysages automnaux, les tempêtes hivernales, les flammes des bûchers, toutes ces représentations sont portées aux nues de l'expressivité graphique. Et que dire de cette planche (page 27) où les nuages composent une cavalcade de licornes vaporeuses ? C'est juste sublime !
Au bout du conte, l'on regrette que l'histoire n'ait pas été à la hauteur des planches. Si cela eût été le cas, on aurait pu crier au chef d'oeuvre. Mais même si l'intérieur en un peu en-deçà, l'écrin vaut le détour pour les amateurs de couleurs, assurément !