Alors que la guerre de Troie fait rage, une tribu composée uniquement de femmes mènent régulièrement des raids contre les hommes d'Achille afin de faire des prisonniers. Ces femmes guerrières vont néanmoins finir par remettre en cause l'héritage de leurs ainées, un héritage mu par la haine du masculin.
Le cœur des Amazones, c'est le récit d'une contrée où partir à la guerre avec sa b*** et son couteau est très dangereux. D'abord parce que votre couteau, face à un arc, ne se révèle pas très utile. Ensuite, parce que votre b*** fait de vous un reproducteur et un esclave sexuel sur pattes. Blague à part, les auteurs explorent la mythologie grecque avec brio, centrant l'attention du lecteur sur les amazones et utilisant de grands évènements comme la guerre de Troie pour ancrer le récit dans l'imaginaire collectif.
Rossi, dessinateur de génie, utilise pour les 155 planches qui composent l'album une technique exceptionnelle de lavis au brou de noix. Sublimant la nature par les magnifiques arbres qui composent la forêt où se cache les amazones, l'auteur n'a également pas son pareil pour donner vie aux mouvements des hommes et femmes. Autre procédé original, Rossi jongle au sein d'une même case entre un trait minimaliste et le lavis très détaillé. La couverture est un bel exemple de ce rendu déroutant dans un premier temps, mais particulièrement efficace pour mettre en avant des personnages ou des actions.
Pour le scénario, on découvre Géraldine Bindi dans une première BD à la hauteur malgré quelques défauts, notamment l'emploi d'un langage très "contemporain" pour une action se déroulant dans la Grèce antique. La thématique très féministe de l'ouvrage ne tombe pas dans un excès omniprésent ces derniers temps pour ce sujet. Ainsi, Le cœur des Amazones est avant tout un pamphlet contre une société où l'amour est proscrit, où l'homme n'est perçu qu'en ennemi qu'il est interdit d'aimer mais dont on peut jouir et posséder comme on l'entend.
Le cœur des Amazones est un récit teinté de mythes et de chamanisme. Le nombre important de pages permet aux auteurs de décrire et sublimer cette société à la fois violente et proche de la nature. Ponctué de moments de violences et d'actions, la BD possède un esthétique exceptionnelle. Cette ode à l'homme et à la nature est un bel ouvrage, à mi-chemin entre la BD franco-belge et le recueil d'illustrations.
Petit bonus pour les amoureux du dessin, une immersion dans l'atelier de Christian Rossi