Dernière étape de ce tour de Méditerranée graphique, et arrêt à Rhodes, aux pieds de cette immense statue qui surplombe la baie. Personne n'explique comment le combustible était monté jusqu'à la coupelle qui brillait jour et nuit, mais laissons ce détail de côté pour nous pencher sur le dessin, en priorité : on sent à chaque vignette l'influence du numérique. Les postures sont tellement naturelles qu'elles dégagent un petit goût artificiel, c'est quand même curieux. Et, du coup, ça permet de mesurer l'apport des archétypes mentaux que les dessinateurs ont jusque là intégrés au moment de donner l'illusion de la vie : en fait, l'idéalisation est immense, même quand le dessin a l'air terriblement réaliste... Ici, l'outil informatique (on me corrigera s'il n'a pas été utilisé, mais je vois mal comment ça pourrait être le cas...) permet un retour à une certaine simplicité, pour ne pas dire banalité. Chaque attitude semble sortie d'un roman photo sans pour autant faire cliché. Du coup, ça m'a occupé pas mal d'espace cérébral tout au long de la lecture, parce que je n'arrivais pas à décider si ça apportait quelque chose à la représentation ou privait mon œil d'une interprétation artistique à laquelle il est devenu hypersensible. Au final, comme toujours, j'ai penché du côté libéral (au sens premier du terme, pas à celui de Madelin...) et ai fini par admettre le procédé comme légitime dans le domaine de la BD qui m'est pourtant tellement associé à un certain type d'artisanat fondé sur la suprématie de l’œil et du trait. En d'autres termes, je me suis laissée séduire, et ça n'est pas chose aisée. D'autre part, le scénario m'a semblé très abouti, en comparaison de certaines histoires de cette série, au demeurant de très bonne tenue. Donc un autre plus à l'actif des auteurs. L'apparition d'un spectre édenté dans les situations idylliques vécues par le personnage, l'incertitude sur les intentions et la sincérité du héros, les rebondissements psychologiques plus que politiques m'ont définitivement rangée du côté des supporters de l'équipe. De la belle ouvrage, même graphiquement pipée, tant pis, le résultat se défend quand même et le débat est ouvert...