Dans ma volonté d’élargir mes critiques au-delà du domaine cinématographique et des séries (et si vous suivez un peu mes notes et mes avis sur les BD et mangas lu) il était inévitable que je parle tôt ou tard d’une bande-dessinée française et si je dois en choisir une, c’est Astérix le gaulois.
Fruit d’une longue collaboration entre le scénariste René Goscinny et le dessinateur Albert Uderzo, quand on parle d’Astérix on a tendance à faire référence à la période de l’âge d’or de la BD qui aura ensuite connu une qualité variable après que Goscinny ait passé l’arme à gauche, avant d’être repris par Conrad et Ferri.
Si il s’est grandement imposé comme une référence au sein de la bande-dessinée française et belge au même titre que Les aventures de Tintin d’Hergé, Les Schtroumpfs de Peyo ou encore Lucky Luke avec Goscinny et Morris, c’est parce que tout comme ses confrères de la BD il a les qualités qui en fond une BD culte : celle de ne ressembler qu’à lui-même, d’explorer son propre folklore (la Gaule ici lors de la conquête romaine) et d’avoir une spontanéité en terme de narration et un humour ultra-efficace tout en restant cohérent dans son univers avec ses clins d’œil et référence populaire toujours suffisamment dilué pour ne pas noyer les histoires écrites et dessinées par le duo Goscinny/Uderzo (je ne compte pas Astérix le ciel lui tombe sur la tête… moins on y pense mieux on se porte).
Et Combat des chefs n’y fait pas exception, en fait de tous ça doit être le tome qui m’a littéralement le plus laissé hilare tout du long tout en réemployant les ingrédients habituels. Le sens de la réplique en premier lieu qui nous gâte constamment d’échanges ou de jeu de mot en fanfare en rapport avec son contexte : la marche des romains déguisés en buissons pour capturer Panoramix est à se plier de rire tant chaque ligne de dialogue semble naturel et s’enchaîne avec fluidité :
Vous croyez qu’on est du bois du dont on fait les héros ?
Cela grâce à au talent de conteur de Goscinny qui parvient toujours à enchaîner, planche par planche, une série d’action faisant aller le récit de l’avant ou la présentation d’un contexte/d’un lieu requis avant de poursuivre. En l’occurrence ici le combat entre chef gaulois qui met davantage le chef Abraracourcix sur le devant de la scène. Mais c’est avant tout pour le plaisir de voir un Obélix maladroit et à la gaffe désastreuse et un Panoramix complètement délirant et amnésique que Combat des chefs existent : comment ne pas au moins sourire quand Obélix minimise ses bourdes comme un grand enfant et récidive ses bêtises sans le vouloir ? Comment résister à Panoramix quand un romain est utilisé comme cobaye pour ses potions devenus tous plus imprévisible et improbable les unes que les autres (bravo pour avoir placé une allusion à Autant en emporte le vent en fin de scène) ? Ou encore, comment ne pas rire face aux calembours grotesque entre les romains quand il faut poursuivre un complot ? Le rythme est nickel chrome et bien que l’humour soit très global dans l’œuvre, ça n’est jamais envahissant ou nuisible pour autant.
Côté graphique et dessin, il me semble que c’est vers là qu’on a les designs définitifs de nos héros et qu’Uderzo et Goscinny trouvent toute la personnalité visuelle de leur BD. Comme toute BD débutante (manga et comics notamment), un temps d’adaptation pour trouver ses repères s’impose et Astérix n’y a pas fait exception et s’est familiarisé avec le lecteur. De même pour l’habitude d’Uderzo et Goscinny d’exploiter et de se moquer sans méchanceté des stéréotypes et caricatures des peuples voisins (Astérix en Hispanie est l’un des plus recommandables à mes yeux) à l’époque gauloise ou bien des coutumes et traditions locales ou étrangères en la mettant au service du récit ou en faisant un parabole pas si éloigné de nos jours.
Et si on ne pourra pas nier que le fameux combat des chefs est plus mis au second rang au profit de la folie de Panoramix et des ruses vaines et tourné en catastrophe des romains, pourquoi s’en plaindre ici dans le cadre d’une BD jeunesse quand le reste est traité avec brio ?
Mais pour on pourra rapporter pour la défense de ce tome qu’il y a un fond moins comique et sérieux auquel Uderzo et Goscinny avaient probablement pensé : sans la potion magique, tout ne reposait que sur un chef gaulois vulnérable au combat dont la défaite était tout indiqué et sans un coup de hasard c’en aurait été fini du village. Ce qui montre à quel point la résistance des gaulois restent néanmoins extrêmement fragile en dehors des baffes, roustes et bagarres en tout genre sans leur potion magique. Ce ne sera d'ailleurs pas le seul tome qui y fait allusion, d'autres l'auront fait par la suite, notamment dans L'Odyssée d'Astérix au début de l'ère Uderzo (plutôt bon celui-là) ou même avant avec l'enlèvement de Panoramix par les Goths.
Grosso modo : Astérix c’est principalement de la spontanéité, de la réplique savoureuse ("Un tout petit coup de menhir"), de l’aventure, des allusions discrètes ou plus simples et évidentes mais jamais balourdes et surtout un petit groupe de héros auquel on s’attache par leur simplicité et leur efficacité avec laquelle le duo parvenait à les exploiter du vivant de Goscinny. Même si aujourd’hui le duo Conrad/Ferri est loin de faire un travail déshonorant, on reste loin de l’âge d’or du gaulois le plus célèbre de la BD française.