Quand j'étais petite il n'y avait que deux BD à la maison, deux collections : l'intégrale d'Astérix et l'Histoire de France en bande dessinée. Mes parents avaient visé juste : après avoir totalement usé la couverture simili cuir du sympathique gaulois, mon frère et moi avions fini par nous taper l'histoire, la vraie. Quel rapport avec la choucroute cachère me direz-vous ? Tout.
Au fil des pages narrant cette puissante histoire du complot antisémite international, j'avais surtout une idée en tête : j'ai passé l'âge de ces conneries. Pas celui de lire des BD ; il n'y a pas d'âge pour apprécier une œuvre hybride entre l'écrit et l'art plastique, racontant une histoire par la mise en scène, la perspective des plans, la dynamique des cases, la coloration, le mouvement organisé en quelques traits, l'harmonie d'un propos entre cartouches et bulles... J'ai plutôt passé l'âge de lire une histoire dessinée plutôt qu'un vrai bouquin.
Comme ce fut beaucoup le cas par le passé concernant la grande histoire expliquée aux ados, les dessins servent ici de supports à des dialogues didactiques et donc artificiels, superposés aux longs cartouches qui expliquent et surtout résument les faits dans une chronologie méticuleuse. Will Eisner s'est attaqué à une histoire importante et intéressante. Ça lui tenait évidemment très à cœur... Trop ? Avait-il peur d'amoindrir ou de fauter en s'écartant d'une narration super classique ? On peut le comprendre, mais le résultat n'est pas terrible du point de vue du 9è art et franchement moyen, trop court, en tant que support d'information. On termine donc sur sa faim, avec l'impression d'une œuvre de commande.