Cela n'a évidemment aucun sens de mettre une note à Nietzsche, à Baudelaire, à Shakespeare, à Mozart ... le pire étant peut-être le 6 ou 7 condescendant ! Grotesque. Ici la note (le 10 n'a pas plus de sens - l'admiration béate ne convenant certes pas à un auteur tel que Nietzsche) n'est présente que parce qu'elle conditionne la publication de la critique.
Difficile de faire parler les morts, à plus forte raison quand ils n'ont vécu qu'à l'état de projet, certes essentiel, et même éternel, mais l'Homme Supérieur de Zarathoustra m'a donné l'impression d'être le genre de mec qui ne trouverait pas moins grotesque de filer une note sur 10 à un inoubliable chef d'oeuvre qu'à un navet mort-né.
Et toi qui t'es pâmé devant les vivifiantes allégories de ce bouquin, admets que la condescendance d'un 6 ou d'un 7 ici très bas ne le préoccuperait pas des masses, à cet Homme Supérieur, après toutes les galères qu'il s'est tapé pour se débarrasser de la pesanteur des vanités inquiètes.
Soyons lucide, l'Homme Supérieur se fout tellement des réseaux sociaux qu'il ne se sentirait pas plus concerné par ceux qui le convoquent afin de moquer un pair pédant comme je le fais présentement. Ou alors, il commencerait par pousser un long et lugubre cri de détresse pour tendre sa main vers sa harpe et chanter les louanges de Zarathoustra - comme le gros fayot qu'il est - pour finir par rire, car le rire enferme en lui toute la méchanceté du monde mais sanctifiée et libérée par sa propre félicité. Cet enchaînement peut paraître long et contraignant voire contradictoire, mais devenir un Homme Supérieur est un parcours semé d'embûches, sinon c'est pas drôle !
Penchons-nous par ailleurs sur la relation de type "fuis moi je te suis - suis moi je te fuis" de Zarathoustra le prophète anti-prophète avec son Homme Supérieur.
Un coup c'est "viens te reposer chez moi", un coup c'est "tu me dégoûtes avec ta flagornerie à la con", un coup c'est "bois mon vin, allez dansons", un coup c'est "ok, je t'emmène vers le savoir", un coup c'est "nan je te pardonne pas, tu sais très bien ce que tu fais"... Dites donc Dr Z. ce serait pas un peu féminin selon vos critères c'est à dire pas cérébral, ou pire, malin ? C'est ça, votre "volonté de puissance" ?
Oui hein... Mais je vais vous dire tant mieux, tant mieux s'il y un peu de sel sur ce long chemin tout cabossé, car lorsque je lis de tels propos, encrés et même ancrés dans une époque qui ne ménageait aucun espace à l'épanouissement du cerveau femelle, telle l'Homme Supérieur je commence toujours par pousser un long cri de détresse, puis je ris en pensant que ce bouquin se trouve aujourd'hui souvent couvé du regard par des femmes pas spécialement supérieures. Bon, puis après bien sûr je saisis ma harpe pour chanter à propos de bananes, ou d'amour, enfin d'autres formes de transcendances auxquelles je ne suis guère plus sûre d'avoir totalement adhéré ("Je deviendrai ces autres qui te donnent du plaisir"... euh... René allait voir les professionnelles, c'est bien de ça dont on parle ?).
Enfin, comme dit le dicton de Zarathoustra : "Qu'importe !".
Toi qui n'es pas un Homme Supérieur et pour autant inquiet comme l'est n'importe quel humain visant les cimes, si tu n'as pas encore lu Zarathoustra, je me permets de t'avertir : la pente n'est pas si forte, mais la route n'est pas du tout droite. Elle est même sacrément sinueuse, elle traverse des autoroutes, s'engage dans de petits chemins qui sentent la noisette pour faire un détour en Mordor, puis longe les Champs Elysées au moins 10 fois en tournant autour de l'Arc de Triomphe, dont le soubassement n'est autre que la caverne de Zarathoustra, où l'air est pur et vachement moins triomphant qu'en haut, mais se nourrit de lui, pourtant. Oui, le bousin à papy Nietzsche est de prime abord vachement touffu, mais finalement très redondant. Je m'y suis un peu ennuyée, pour ma part, même si j'aime l'idée de chantonner à la face des prophètes.
D'aucuns vous diront qu'il fallait commencer par le Gai Savoir, mais vous diront probablement le contraire si par l'autre vous avez commencé. Allez savoir si le savoir est gai ou juste sachant, s'efforcer de le rendre gai est déjà un savoir en soi non ?