Ou quand Winding Refn rencontre Christopher Nolan. On peut dire que l'ambiance est chiadée entre la très belle bande son, le spectaculaire des images et la lenteur savante de la réalisation. Mais la fausse intelligence du scénario en mode "trop grand pour toi" confère à la série un caractère poseur qui ruine son esthétique. Sans parler de la déshumanisation du truc, certes voulue, mais un cheveu (même court) de second degré n'aurait pas nuit je crois.
Le rouage exceptionnel de la machine et l'étincelle thriller est incarné par Lily, présentée comme velléitaire et forte en math ; un génie parmi les génies les plus inopérants de l'histoire des génies, car bien nounouille en fin de compte.
Elle a trois coups d'avance au jeu de Go, normal elle est à moitié chinoise, mais bien qu'elle se pose beaucoup de questions dans sa petite tête triste, elle n'a pas l'air de piger grand chose. Enfin c'est pas de sa faute, les scénaristes ont décidé que leur modèle philosophique ferait fi du caractère auto-réalisateur des prophéties. Il n'est pourtant pas difficile à comprendre, c'est un paradoxe : pour que quelque chose se produise, il suffit parfois de l'annoncer. Pas toujours, car le corollaire est la possibilité offerte par l'annonce de la contrecarrer délibérément. Comme, je sais pas moi, choper des billets pour l'autre bout du monde au lieu d'attendre tranquillement chez soi que ça se passe alors que les méchants connaissent l'adresse, par exemple.
Soit ils ont estimé que la réalisation était assez grosse pour que ça passe, soit leur nerditude imprégnée de Schrödinger et d'Everett les a aveuglé, je n'en sais rien. Il est plausible qu'un jour un ordinateur doté de giga milliards de giga octets calcule tout et puisse ainsi tout prévoir tel un Mega Go Master, simplement parce qu'il paraît évident en 2020 que tout est data. L'humain est compliqué mais aussi prévisible que la lune ; une boîte over câblée peut théoriquement être assez puissante pour prévoir jusqu'au caractère auto-réalisateur des prophéties. Sauf que ce caractère mène à plusieurs chemins, pas à une seule issue fatale, comme une série télé qui se contredirait elle-même pour faire le show.
Et euh non, ami nerd, ils évoquent les mondes multiples d'Everett mais la fin en mode réalité alternative ne fonctionne pas puisqu'on la présente comme une version dématérialisée dans un monde matériel.