Pour les amateurs de science-fiction, le nom d’Alex Garland n’est pas inconnu. Officiant initialement comme scénariste au côté de Dany Boyle dans La Plage, 28 jours plus tard et Sunshine, l’auteur britannique embraye ensuite sur une carrière solo avec la réalisation de deux long-métrages : Ex machina en 2014 et Annihilation en 2017. Immédiatement, Garland impose sa griffe : des concepts de science-fiction excitants questionnant la nature de notre existence, une mise en scène chiadée et des personnages tourmentés toujours bien servis par leurs interprètes. En 2020, il étend son univers avec Devs, une mini-série dans laquelle il continue d’explorer ses obsessions passionnantes.
Il y est question de Lily (Sonoya Mizuno), une ingénieure officiant dans une grande firme de la Silicon Valley. Alors qu’elle enquête sur la mystérieuse disparition de son compagnon, elle va rencontrer Forest (Nick Offerman), un grand magnat de la technologie sur le point de réaliser le plus grand fantasme de tout physicien : un supercalculateur quantique capable de simuler l’univers jusque dans ses moindres détails. Avec un tel outil, tout devient possible : prédire le futur, reconstruire le passé et questionner le sens même de la « réalité ».
C’est donc à un sujet très ambitieux auquel s’attaque Alex Garland : combiner physique quantique, thriller technologique et philosophie afin questionner la nature même de la réalité et du libre arbitre. Rien de moins ! Et pourtant, le défi est relevé haut la main. Contrastant avec un postulat aussi démesuré, la mise en scène de Devs est une merveille d’épure et de poésie en parfaite synchronie avec son propos. Le faible nombre de personnages rappelle un dispositif quasi théâtral et sert une narration qui séduit par son inventivité. Ainsi la série est à la fois très contemplative, laissant l’opportunité au spectateur de se projeter dans des questions métaphysiques portant sur le sens de son (ses ?) existence(s) tout en déployant un thriller surprenant et haletant. Outre l’amour incontestable que porte Garland pour des high-concept de science-fiction, il fait preuve d’un indéniable talent pour inventer des personnages forts et juste, avec lesquels il est facile de s’identifier. Ce hiatus entre empathie humaine et austérité physique est le cœur même du propos de Devs. Mieux encore, Garland s’en va titiller l’acte même du cinéma, quand ses protagonistes contemplent leurs existences prédites et précalculées.
Devs est un donc un terreau très fertile pour tout cinéphile, amateur de philosophie et de science-fiction. C’est également la confirmation qu’Alex Garland est un des meilleurs auteurs en la matière en ce début de 21ème siècle. Comme si ça n’était pas prévisible…