Au XVIe siècle, le Saint Empire Romain Germanique. La chasse aux sorcières bat son plein et une jeune fille se retrouve enfermée dans un couvent recueillant des enfants hérétiques. Et c’est en puisant dans son inextinguible désir de vengeance qu’elle affronte un univers fanatisé façonné par le mensonge et la cruauté.


Notre récit débute par la découverte d’une étrange vierge de fer, cet épouvantable instrument de torture médiéval, dans les eaux du Rhin. Une vierge de fer à l’aspect atypique, dont l’histoire, celle de la confrontation entre une jeune fille et la Maîtresse d’un ordre religieux, va nous être contée.


Le destin d’Ella nous apparaît rapidement comme des plus cruels : vendue par ses parents qui la pensent habitée par le Démon, elle vit de rapines avant d’être recueillie par une sage-femme, Angelika, qui l’élève quelques temps. Mais l’Inquisition voit d’un mauvais œil les pratiques de ces guérisseuses : Angelika subit la vindicte religieuse et se voit torturée et condamnée en tant que sorcière. Quant à Ella, elle se retrouve au "Partage des Eaux", le monastère de l’Ordre Claustrum dirigé d’une main de fer par Madame Edelgard, fanatique d’entre les fanatiques.


Dans ce couvent se trouvent réunies des jeunes filles toutes associées à la sorcellerie, et "rééduquées" par les nonnes sous les ordres d’Edelgard. La violence impose ses lois, la torture et la mort planent sur les pensionnaires et d’autres procédés plus sournois et pervers se trouvent déployés pour mettre au pas Ella et ses camarades. Celle-ci puise alors dans son désir de vengeance les ressources nécessaires à la survie dans cet univers.


Cette série présente plusieurs mérites indéniables. Le premier étant de s’emparer d’un thème et d’un cadre peu courants dans le manga. Quelques titres seulement s’intéressent au monde germanique médiéval et à l’imaginaire des sorcières, comme Dorothéa, le châtiment des sorcières (on vous en parle un peu ici) ou encore Liselotte et la forêt des sorcières. Mais là, nous avons un traitement mature et presque réaliste qui donne une réelle densité au propos.


L’autre intérêt, majeur, réside dans l’univers dépeint et la confrontation de l’héroïne à celui-ci. Appréhendé de manière carcéral, le couvent joue de ses espaces, ouverts et fermés, de son personnel, hiérarchisé, et de ses règles, explicites ou tacites, manifestes ou secrètes. La capacité dont témoigne Ella à se dépêtrer de tout cela, à analyser chaque situation pour en tirer profit et ne pas fléchir face à la domination qui lui est imposée en fait une héroïne puissante. Une héroïne que l’on a immédiatement envie d’accompagner dans des aventures, de soutenir dans sa lente - et on le devine douloureuse - remontée de cet enfer aux oripeaux du sacré.


Excellente surprise, Le Couvent des Damnées confirme que Glénat a le nez pour dénicher des titres seinen que l’on attendait pas forcément (La Tour fantôme, Ajin, Kokkoku, L’Ere des cristaux, Les Enfants de la Baleine...). Il faudra peut-être passer un début assez rude tout de même, pas forcément très engageant, par lequel Minoru Takeyoshi veut nous faire prendre la mesure de la cruauté du monde dans lequel elle nous entraîne.


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le 7 févr. 2017

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