Maître Okko est un samouraï sans maître, libre ronin qui mène, sur les eaux de l’Empire du Pajan, ses deux compagnons d’aventures : Noburo, géant masqué à la force colossale et Noshin, le moine au saké. Ils sont tous trois chasseurs de démons et parcourent les ports et les villages pour survivre au cœur de ce Japon médiéval, dangereux et sombre, en quête de ceux qui nécessitent leurs services. Quand après l’attaque d’un bordel le jeune Tikku remet sa vie entre les mains du samouraï, il ne lui demande qu’une chose : l’aider à retrouver et sauver sa grande sœur, Petite Carpe, une ravissante geisha enlevée par des pirates.
Le dessin est superbe, c’est ce qui séduit d’emblée. L’univers est lisible et agréable, dépaysant et riche. Les couleurs sombres drapent les personnages dans des atmosphères aussi variées que l’arrière-boutique d’un fumer d’opium, la tempête sauvage et froide sur la mer, ou encore les recoins de lumière tamisée d’une maison de jeu. Le trait est fin et les décors fourmillent de détails réalistes et d’arrière-plans vivants, les combats sont dynamiques et compréhensibles. Le montage emprunte aussi bien à la classique bd franco-belge, pour l’ensemble, qu’aux comics américains, lors de certaines séquences où le décor déborde. Les personnages sont variés et facilement identifiables sans être des caricatures : les geishas sont toutes différentes, toutes sensuelles, les quelques monstres sont impressionnants sans être exagérément difformes ou extravagants, les samouraïs, combattants et pirates sont équipés d’armes nombreuses et effilées, et pratiquent diverses techniques d’affrontement toujours très bien intégrées à la narration, enfin la mystérieuse méchante de l’épisode, sous un long voile blanc, ne divulgue ni son corps ni son visage, ni la totale noirceur de son cœur, mais dévoile, sous sa tunique blanche, une preste maîtrise des armes et une soif de sang qu’elle sait assouvir.
Inquiétants mystères et disparitions, combats aux sabres et autres armes blanches, quête au fil de l’eau, Hub pose les bases d’une série d’aventure dans un agréable ersatz de Japon médiéval, entre réalisme historique pour nourrir l’environnement, manga pour le fil de l’action, et conte fantastique pour l’atmosphère. Des ingrédients idéaux autour de quatre personnages entiers, aux caractères bien différents, et auxquels on s’attache très rapidement de par la bonté qui motive leurs moindres actions sans qu’ils ne s’en donnent l’air. Le rythme du récit est parfait : aucune séquence ne dure en longueur, ce qui doit être rapide, comme la mort, l’est, et là où il faut s’appesantir, la séquence prend le temps.
Dans le sillon de Petite Carpe et de ses ravisseurs, Okko et ses acolytes comme compagnons, le lecteur se laisse entraîner avec plaisir à la découverte de l’univers particulier d’Okko. Et les questions posées par la dernière séquence appellent avec urgence la lecture du second volume.
Matthieu Marsan-Bacheré