Un Batman en cache parfois un autre
Malgré ses défauts, j’avais trouvé le premier tome de Knightfall fascinant. Bane qui pète la classe, toute cette chronique d’une mort annoncée, le côté très sombre de l’ensemble… Le seul truc qui m’a empêché de me ruer sur la suite, c’est cette couverture, qui montre un Azrael et son costume de Batman modifié complètement moche, on croirait une vieille figurine moisie. Mais j’ai finalement sauté le pas, et que dire ? La qualité est toujours au rendez-vous. Attention, si vous ne connaissez pas le propos de cet event et que vous comptez le lire, évitez cette critique.
Bane triomphe, Batman est brisé. Plus rien ne se dresse devant le terrifiant criminel. Si Bruce Wayne échappe de justesse à la mort, l’état de son dos ne lui permet plus de se mouvoir autrement qu’en chaise roulante, à l’image de son amie Barbara Gordon. Mais Batman ne peut mourir, et Bruce doit choisir un successeur. Ce sera Jean-Paul Valley, l’ancien futur Azrael, tueur programmé par hypnose pour être un des meilleurs. Mais Valley n’a pas le même code de conduite que Wayne, et peu à peu ce nouveau Batman impose son inquiétante personnalité…
Toujours aussi noir, ce volume nous montre donc deux histoires parallèles : l’installation de Valley en tant que Batman, et la quête de Wayne, qui enquête sur le mystérieux enlèvement du père de Tim Drake. Il convient déjà de saluer la cohérence scénaristique : l’évolution de Jean-Paul Valley, les questionnements sur le rôle de Batman, les interrogations sur le code de conduite que doit observer un justicier, on est en plein dans du Batman de l’âge moderne, et tout se tient, dans l’ensemble. Là où Wayne était dur, souvent très violent mais focalisait néanmoins son action sur la peur d’une certaine justice, Valley est imprévisible, souvent cruel, parfois totalement injuste. Il n’hésite pas à faire preuve d’une violence complètement excessive, et au besoin, à sacrifier un innocent pour en sauver un plus grand nombre, là où Wayne se pousserait dans ses derniers retranchements pour sauver tout le monde. Cette rupture implique donc un questionnement fondamental et très intéressant. Les parties avec Wayne en chaise roulante le sont un peu moins, toutefois je suppose que l’intrigue continue à se développer plus tard.
Le scénario est donc toujours intéressant. [SPOILER] J’ai lu çà et là que l’on reprochait beaucoup la rapidité et l’expéditivité de l’affrontement entre Bane et Valley, toutefois pour moi cela se justifie : si Batman a été vaincu, c’est d’une part à cause de son grand épuisement physique, psychique et moral, et d’autre part à cause des barrières qu’il s’impose, de son sens aigu du devoir et de la morale. Valley n’a pas tout ça, et bénéficie en outre d’un conditionnement qui le rend apte à supporter l’insupportable, il est donc beaucoup plus aisé pour lui d’affronter sans arrière-pensée quelqu’un comme Bane en se mettant à son niveau. Il y a donc une logique inhérente derrière cela. [FIN DU SPOILER]
Quant au dessin, ma foi, c’est moins désagréable que dans le précédent épisode. Je suis toujours pas fan, mais il me semble que cela joue un rôle dans la narration, ce côté noir, torturé, sale, typique de nombreuses œuvres de fiction de cette période.
On peut donc ne pas nécessairement apprécier cette suite de Knightfall, toutefois pour moi on reste parfaitement dans le thème, et j’aime assez ce développement.