Ha, qu’est-ce que j’aime me fendre la poire !
Je ne suis pas le seul, hein, bien entendu.
Rien de tel qu’une grosse marrade avec une bonne lecture. Et pourquoi pas en bandes dessinées.
Mais même si j’adore Fabcaro, l’omniprésence d’ouvrages sur les rayonnages des librairies et des bibliothéques qui en reprennent le style habituel et le ton pince-sans-rire me fait pousser quelques soupirs dépités. Même s’il y a quelques bons représentants dedans.
J’avais bien tenté de virer de bord, en allant voir si un humour nouveau, plus féminin et actuel sur les problématiques récentes, pourrait me convenir ou du moins m’aérer la tête avec des plaisanteries jamais vues ailleurs. La lecture consécutive de Hé ! Mademoiselle de Yatuu et Juste une endométriose de Fanny Robin et MaY fait des gribouilles ont été décevantes, ne retrouvant pas le talent de Tant pis pour l'amour ou Comment j'ai survécu à un manipulateur de Sophie Lambda.
Et arrive Le département des théories fumeuses.
Qui lui s’en fiche des modes fabcaro-esques ou des thèmes féminins maltraités de la production française hexagonale à court d’idées, puisque même si l’ouvrage est paru en juin 2020 par chez nous il date déjà de quelques années dans son pays d’origine. Qu’importe, le contenu est universel.
Peut-on rire de la science et avec la science ? Bien sur, n’en déplaise aux complotistes de tous poils. Ces petits cartons et autres strips sont parus dans la revue internationale New Scientist et ont dû faire rire bien des blouses blanches, et le reste du monde maintenant.
Tom Gauld avec son trait figé et son humour froid s’en sort à merveille, renouvelant sans cesse ses planches, utilisant à bon escient analogies, diagrammes et autres labyrinthes toujours au service de son humour. Ces planches convoquent aussi bien des références scientifiques que des allusions à la culture populaire, avec un sens de la dérision bienveillant. Les idées fusent comme dans un bouillon d’éprouvette. L’enfer des scientifiques est ainsi peuplé de gens sur internet qui critiquent leurs travaux sans en avoir les connaissances. Une liste de BD expérimentales s’amuse avec la science, « cyber-BD : comique pour les intelligences artificielles », « la BD quantique : simultanément drôle et pas drôle ». La sélection de BD érotico-scientifiques du mois vaut son pesant d’atomes croustillants. Des espèces ou atomes non découverts questionneront le bien-fondé de leur anonymat.
Même si un minimum de culture scientifique n’est pas de trop (et ne peut pas faire de mal), le tout reste assez accessible, à la fois proche de ce monde scientifique et du nôtre. Il reprend certains codes et autres grands principes de ce monde de blouses blanches, à la rigueur moquée, aux grandes idées farfelues saluées, le tout avec une complicité qui ne les dévalorise jamais (ou alors pas bien longtemps). Avec un humour froid qui ravit les zygomatiques, sans outrances, sans jeux de mots lourds, sans idées piquées aux auteurs du moment ou aux thématiques actuelles. L’imagination de Tom Gauld à renouveler ses idées (mais la science est si vaste, il y a juste à se pencher) et ses planches (et là, c’est inné et travaillé, chapeau Tom) ne pourra que difficilement ennuyer le lecteur. Ceci n’est pas une théorie fumeuse.
Site de l'éditeur avec quelques images.