Et si le mystère de la grande pyramide n’était pas résolu? Plusieurs années après que le colonel Blake et lui se soient réveillés sans aucun souvenir dans la pyramide de Khéops, le professeur Mortimer se rend à Bruxelles à l’invitation de son ami Henri. Ce dernier a remarqué que des radiations s’échappent du Palais de Justice et que le niveau de rayonnement électromagnétique y est absolument colossal. Pour tenter de comprendre cet étrange phénomène, les deux hommes se rendent dans les sous-sols de l’édifice. Après avoir repéré des hiéroglyphes qui apparaissent derrière la peinture d’un mur en mauvais état, ils découvrent une pièce cachée derrière un autre mur qui vient de s’effondrer après des travaux de rénovation des égouts. Cette pièce, c’est le bureau de Joseph Poelaert, l’architecte du Palais de Justice de Bruxelles, un féru d’égyptologie. Ils y retrouvent les plans originaux du bâtiment, qui devait initialement être coiffé d’une pyramide, mais aussi une représentation de Seth, le dieu du chaos, ainsi que des signes qui font mention d’un passage. A la stupéfaction de Mortimer, Henri fracasse la surface où figurent ces signes avec un marteau et une puissante lumière jaillit à travers l’ouverture. Alors qu’Henri décide de s’engouffrer dans le trou, Mortimer préfère prendre la fuite. Il fait bien, car bientôt tout le Palais de Justice se met à trembler, tandis qu’un rayonnement impressionnant se dégage de l’ensemble du bâtiment. D’une seconde à l’autre, tous les appareils électriques aux alentours tombent en panne et l’ensemble des habitants exposés sont pris de cauchemars. La ville est aussitôt évacuée puis carrément abandonnée, tandis qu’une cage de Faraday est installée autour du Palais de Justice pour contenir le rayonnement. Lorsque celui-ci recommence à faire des siennes des années plus tard, l’armée décide d’employer les grands moyens et veut raser Bruxelles avec des missiles nucléaires. Mais la réaction en chaîne pourrait anéantir la planète entière. Et puis, il y a toujours des gens qui habitent dans la zone interdite de Bruxelles. Même s’ils se sont perdus de vue depuis plusieurs années, Blake et Mortimer décident alors de sortir de leur retraite et de joindre une nouvelle fois leurs forces pour tenter de sauver le monde…
La sortie du "Dernier Pharaon" est clairement un événement majeur dans le monde de la bande dessinée. Le fait de mettre les personnages mythiques de Blake et Mortimer entre les mains du dessinateur François Schuiten, du cinéaste Jaco Van Dormael, du romancier Thomas Gunzig et de l’affichiste Laurent Durieux crée, forcément, des attentes immenses. Les quatre hommes ont-ils été à la hauteur? Les avis seront sans doute partagés. Car il faut bien le reconnaître: le scénario du "Dernier Pharaon" est bourré de qualités mais il est un peu tiré par les cheveux, mélangeant des références à l’oeuvre d’Edgar P. Jacobs à des éléments fantastiques et à des considérations politiques sur la nécessité de bâtir un autre monde. Au final, cela donne lieu à certaines séquences très réussies, avec comme grand mérite de "casser les codes" par rapport à la narration jacobsienne, mais il faut parfois s’accrocher pour ne pas perdre le fil. Au niveau du dessin, par contre, les avis seront unanimes. Chaque page dessinée par Schuiten est un véritable régal pour les yeux. Qui mieux que lui aurait pu représenter une version abandonnée de Bruxelles? On se délecte en admirant les rues de la capitale belge retournées à l’état sauvage. Son travail est réellement extraordinaire de beauté. Quel plaisir d’enfin voir un dessinateur s’approprier les personnages de Blake et Mortimer sans pour autant renoncer à son style et à son univers. Certains esprits grincheux diront sans doute que "Le Dernier Pharaon" ressemble plus à "Brüsel", un épisode de la série des "Cités Obscures", qu’à un album de Jacobs, mais c’est précisément pour cette raison que cet album vaut largement le détour. Ayant consacré plusieurs années de sa vie à la réalisation du "Dernier Pharaon", François Schuiten a annoncé qu’il s’agirait de sa dernière BD. On ne peut que le regretter évidemment, mais ce qui est certain, c’est qu’il sort de scène par la toute grande porte car rien que pour ses dessins, "Le Dernier Pharaon" est un album absolument indispensable!
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