Roderick Ghyll, un milliardaire invite sur son île les sept plus grands auteurs britanniques de roman policiers, réunis sous le nom de (l'authentique) Detection Club, auquel appartiennent notamment Agatha Christie et G.K. Chesterton. Ghyll veut montrer à ces auteurs son nouveau prototype de robot, conçu pour élucider n'importe quelle énigme dont les données de base lui sont communiquées. Mais bien sûr, au cours du séjour, le milliardaire est assassiné...
Je me suis lancé par hasard dans cette bande dessinée, et ce fut une excellente surprise ! Je ne connaissais pas du tout Jean Harambat (j'avais renoncé à lire Opération Copperhead à cause du dessin, peu engageant : j'avoue, il m'en faut parfois peu, mais à retenter, donc), mais j'ai voulu tenter celle-ci coûte que coûte, pour son concept de mettre en scène le pas si connu Detection Club que j'adore (le vrai), et dont j'adore le principe (Agatha Christie, G.K. Chesterton et John Dickon Carr étant trois de mes auteurs policiers préférés),
Le seul véritable reproche que j'ai à faire est au niveau du dessin : un peu plus de rigueur ne nuirait pas. Sans être insupportable, je trouve que le trait est trop grossier pour être vraiment efficace, et il aurait mérité un aspect caricatural plus maîtrisé ou bien un réalisme plus poussé. Ici, c'est brouillon sans dégager un vrai style, je trouve. Dommage.
Pour le reste, c'est merveilleux ! Les personnages sont très fidèles à leur modèle initial (pour ce que j'en connais), et c'est un vrai plaisir de voir Chesterton, Agatha Christie ou John Dickson Carr, cette fois non plus en tant que créateur, mais en tant que personnages. Les échanges entre Chesterton et son amie Agatha sont délicieux, tant on y retrouve les caractères de l'un et de l'autre, et les dialogues sont écrits avec une intelligence bien rare.
Du côté scénario, on est dans le rocambolesque pur, mais c'est voulu et assumé. En fait, on est très proche d'une parodie type Un Cadavre au dessert (formidable comédie policière dotée d'un hallucinant casting) : ce qui compte, ce sont les péripéties en elles-mêmes, et non le scénario dans sa globalité. La résolution de l'affaire est donc dans l'outrance la plus complète, mais en réalité, c'est bien dans le ton de l'ensemble et finalement, c'est très amusant. Harambat s'y entend à merveille pour reprendre les codes du genre et les distordre dans tous les sens.
Néanmoins, à mon sens, étant donné qu'il ouvre sa BD par les 10 commandements de la bonne intrigue policière, tels qu'édictés par l'authentique Detection Club, il aurait pu essayer de s'y plier au lieu de les trahir (volontairement) un à un, mais c'est un choix qu'il fait et que je respecte. Je trouve que cela aurait rendu l'exercice plus intéressant, mais aussi mille fois plus contraignant. Pas forcément facile pour quelqu'un qui n'a pas nécessairement la vocation d'auteur policier.
Bref, si c'est à réserver aux amateurs de whodunit et aux connaisseurs de littérature policière anglaise, ces derniers se délecteront face à cette fantaisie littéraire très bien écrite. A mon avis, Harambat gagnerait seulement à s'allier avec un bon dessinateur, et ce serait parfait !