Il y a quelque temps, j'expliquais dans ma critique de Killing Joke que cette BD était essentielle pour comprendre la relation Batman/Joker. Eh bien je dirais que Death of the Family est essentielle pour comprendre en quoi cette relation constitue le pilier central de l'univers Batman.
Batman et le Joker dansent. De nouveau. Pour toujours et à jamais.
Avant de lire cette BD, j'ai lu Knightfall 5, où Batman doit lentement réapprendre à se battre, à faire confiance à ses sens, à se maitriser à la manière d'un ninja, à redevenir le meilleur combattant du monde etc. C'est amusant de constater que face au Joker, tout ceci ne sert strictement à rien. Le Joker n'est pas fort, il n'est pas cupide, ce n'est pas un gangster, un mafioso ou un tueur à gage, il n'a pas une armée derrière lui. C'est peut-être le seul méchant de la galerie Batman qui ne cherche pas à tuer la chauve-souris.
Le Joker, c'est à coup sûr la personne qui comprend le mieux Batman. Et je dis bien Batman, pas Bruce Wayne. Il y a Alfred ou Leslie Thompkins pour ça. Le Joker comprend que Batman est sa vraie personnalité, que le masque est celui de Bruce Wayne. J'aime bien le doute qui plane sur le fait que le Joker connaisse ou non le lien Bruce Wayne/Batman, et le fait qu'au final on comprenne que le Joker s'en fout tout simplement, ou mieux : qu'il n'a pas envie de savoir. C'est pas la première fois qu'on voit ça, mais c'est hyper bien mené ici (même si le flash-back final est un peu bizarre : on se demande ce qui est passé par la tête de Wayne).
Le Joker est l'antithèse de la chauve-souris. C'est son reflet déformé, son âme sœur, et l'image de ce qu'il aurait pu devenir s'il avait cédé à la folie. Il est souvent répété que sans Batman, il n'y aurait pas de Joker (ce qui était très bien illustré dans le Dark Knight de Nolan), mais finalement, sans Joker il n'y aurait pas de Batman. Les deux se connaissent, se complètent, se répondent, se comprennent sans se comprendre, et le paradoxe c'est qu'ils restent deux étrangers l'un envers l'autre.
Mais je digresse, revenons à nos moutons. Snyder a très bien saisi ce qui fait l'essence du Joker, tout en arrivant à renouveler le personnage. Ceci se traduit très bien dans son apparence physique, avec ce visage recollé à l'arrache qui se décompose à vue d'œil. Visuellement la BD est très réussie. On sent que Capullo maitrise encore mieux l'univers que dans La Cour des Hiboux. Il reste toujours le gros défaut que Bruce Wayne, Dick Grayson, Jason Todd, Tim Drake et Damian Wayne ont tous la même tête, mais comme il y a finalement peu de scènes où ils apparaissent démasqués, ça passe presque. Je trouve aussi que Bruce a l'air beaucoup trop jeune, contrairement à Batman, ce qui ne cadre pas très bien avec le fait qu'il est présenté ici comme un vieux de la vieille. À part le Joker, les autres méchants qui apparaissent ont un look très très classique, mais c'est pas forcément une mauvaise chose et ça permet de bien mettre en valeur le Joker.
(Petit aparté : j'ai pas compris pourquoi Nightwing était passé du bleu au rouge dans le New 52, ça ne fait qu'accentuer l'uniformisation des personnages.)
Non finalement le vrai défaut de cette histoire c'est la fin. Déjà la pirouette utilisée par Batman pour déjouer le plan du Joker est tout simplement grotesque. J'ai pas non plus très bien compris pourquoi le Joker avait menti à Batou en lui disant avoir défiguré la famille. Ça, ça aurait été ultra couillu, mais évidemment ce n'était qu'une blague... Ça aurait pu passer avec d'autres versions du Joker, mais celui-ci était vraiment présenté comme le psychopathe ultime (cf. la superbe scène dans le commissariat au début), du coup on a juste l'impression qu'il s'est dégonflé. Et puis évidemment le statu quo est maintenu à la fin. Perso je m'attendais pas à de grands chambardements, n'étant pas un lecteur régulier de Batman. Je m'attendais pas à ce qu'il y ait des morts (qui auraient de toute façon ressuscité tôt ou tard), mais un changement de paradigme aurait été sympa.
Tout ça pour dire que Death of the Family est une lecture très sympa, qu'on se délecte de ce Joker hyper malsain (mais pas assez), un must-read si vous êtes amateur de la dynamique Batman/Joker. Malheureusement c'était perfectible. À voir en fait la suite qui en sera donnée, la prochaine apparition du Joker, les conséquences sur la famille. M'est avis que tout sera plus ou moins comme avant...