Le Devin.
Ce tome d'Astérix est assez méconnu. Aussi méconnu que son adaptation d'ailleurs.
(ma critique du film d'animation ici https://www.senscritique.com/film/asterix_et_le_coup_du_menhir/critique/261817423)
C'est pourquoi il est temps de lui rendre justice.
Commençons par l'histoire.
Alors que Panoramix s'est rendu à la Forêt des Carnutes pour une énième réunion de druides, le village est victime d'un intense orage.
Réfugiés dans la maison d'Abraracourcix, les gaulois s'imaginent que le ciel leur tombe sur la tête. C'est alors que débarque un devin charlatan nommé Prolix disant l'évidence qu'après la pluie vient le beau temps et profiter de la naïveté des habitants du village pour obtenir ce qu'il veut d'eux; et cela malgré les avertissements d'Astérix ayant vu clair dans son jeu.
Alors que dire?
Prolix justifie à lui-seul que Le Devin existe. Loin des habituels méchants stupides tout juste bons à se prendre des baffes ou des coléreux qu'on aime détester, ce faux devin est un méchant vraiment charismatique et menaçant: intelligent, calculateur, manipulateur...Il peut obtenir ce qu'il veut de n'importe qui d'assez crédule...
...au point de retourner le village contre Astérix ne pouvant compter que sur lui-même...
...en disant des évidences et en flattant l'ego des gens autour de lui pour se nourrir de leurs labeurs.
Comme l'a si bien dit un certain poète.
Tout flatteur vit aux dépends de celui qui l'écoute.
En dehors de Prolix, nous avons une chose inédite: un nouveau Centurion nommé Caius Faipalgugus loin des habituels Centurions colériques saoulés par l'incompétence de ses légionnaires. En effet, il est arriviste, menaçant...
...au point de faire perdre ses moyens à Prolix lui-même...
...et a une soif de pouvoir tellement insatiable qu'il en devient inquiétant.
Chose encore plus inquiétante, Le Devin se déroule pratiquement dans un huis clos pesant où l'on ne va jamais au-delà du village gaulois, la forêt et un camp retranché romain. Ce qui crée une cage symbolique dans laquelle Astérix est enfermé délaissé par un village préférant écouter un charlatan plutôt que ses conseils avisés.
Puisqu'on parle du village. Même si l'on s'était penché sur ses habitants dans certains tomes n'étant pas des aventures où on voyageait dans le monde, Le Devin, lui, choisit de davantage se pencher sur un personnage en particulier, à savoir Bonemine...
..., au point que l'on va chez elle à un moment de l'histoire, et ses échanges avec Prolix.
Et, hélas, c'est à partir de là que l'album devient problématique: quand Prolix leur "prédit" que leurs maris s'enrichiront, les femmes sont montrées comme des potiches crédules et superficielles attendant que leurs maris se remplissent les poches dans l'unique de s'embellir physiquement.
Sans compter le fait qu'Ordralfabétix fait une réflexion misogyne totalement gratuite. "Heureusement" que les hommes sont également montrés comme des crétins capables de gober tout ce qu'un prétendu devin leur dit sinon l'album aurait laissé un goût amer après avoir lu la dernière page.
Néanmoins, pour "tenter" de rattraper leur bourde, Goscinny et Uderzo font en sorte que les gauloises gèrent, en grande partie, la bataille finale de l'histoire. Ce qu'améliora l'adaptation en film d'animation de Le Devin (à savoir Astérix et Le Coup du Menhir) où seules les gauloises prennent en charge la bataille finale tandis que les gaulois n'en sont que les spectateurs. Y compris Astérix lui-même!
Mais le plus gros défaut de l'album est, sans aucun doute, le retour de l'espoir arrivant de manière bien trop brusque. En effet, il suffit que Panoramix revienne au village juste pour en mode deus-ex-machina afin d'utiliser sa sagesse pour que les habitants du village gaulois se retournent contre Prolix à la dernière minute. Par chance, l'adaptation en film d'animation, Astérix et le Coup du Menhir, a arrangé les choses en créant une fin plus travaillée et moins soudaine.
Bref, un album assez réussi vu certains de ses choix inédits plutôt intéressants mais qui aurait pu être mieux si certains mauvais choix n'avaient pas été faits.