À la racine du mal
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Ces derniers mois, le rayon BD voit affluer des œuvres d’une belle et grande noirceur. Il y eu Quelque Chose de Froid, qui ressuscitait le souvenir du film noir, puis le monumental La Route de Manu Larcenet, sur lequel tout a déjà été dit et écrit, par moi et par d’autres. Là, l’auteur Fabien Vehlmann (la série Seuls) et le dessinateur Roger viennent glisser une nouvelle pièce dans la machine à broyer du noir avec Le Dieu-Fauve.
De manière allégorique, et très indirectement, ce que Vehlmann et Roger décrive dans cette bande dessinée est un cercle ; leur récit s’ouvre et se ferme ainsi sur l’histoire de ce singe blanc qui fut violemment arraché à sa vie sauvage après avoir assisté au massacre de sa meute par une tribut probablement d’origine africaine. N’ayant depuis connu que la brutalité des combats et de la captivité, ce primate va profiter d’une libération inopinée pour retourner sa rage contre ses oppresseurs. Entre ces deux points, se déploie un récit choral au cours duquel les auteurs nous font glisser d’un point de vue vers un autre ; un aède, une assassin et une jeune esclave. « Chacun a ses propres raisons d’être violent, et ça pose une vraie question de fond qui renvoie, quelque part, à l’actualité en Ukraine ou au Proche-Orient : y a-t-il des violences justifiables ? Et : un monde sans violence est-il possible ? J’ai tendance, pour ma part, à dire que non. » déclare Fabien Vehlmann dans le journal L’Avenir. La violence appelant la violence, chacun de ces arcs narratifs, on le devine aisément, connaîtra donc une fin tragique.
A travers cette fable, Vehlmann parle évidemment de la violence des Hommes, mais aussi et surtout du bruit et de la fureur dans lesquels les civilisations s’éteignent. Le trait de Roger, vif et acéré, rend ce sous-texte plus incisif encore. Le Dieu-Fauve apparaît dès lors comme une œuvre dynamique, riche, pertinente et poétique. Il n’y a pas une vérité à y chercher, mais plusieurs, selon le point de vue adopté. En cela, Vehlmann et Roger réclament de leurs lecteurs un minimum d’empathie pour leurs personnages – chose qu’ils parviennent à obtenir.
L’unique reproche que l’on pourrait leur adresser réside dans les chapitres consacrés au singe blanc ; l’apport du texte pour ce personnage empêche selon moi de profiter pleinement de la capacité du dessin à produire du récit et de l’émotion. Un défaut qui reste mineur face à la qualité de l’ensemble.
Créée
le 25 avr. 2024
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