Quand on entasse, comme moi, des bandes dessinées, on traîne parfois sur la lecture de certains albums sans trop savoir pourquoi. Puis parfois vient le moment de la lecture comme si cela devenait une évidence. Dans ce cas-là, la lecture devient comme un instant magique où je savoure pleinement l'histoire. Bref tout ce lyrisme pour vous dire comme la lecture du Fils de l'ogre de Grégory Mardon vient de me toucher.
J'avais bien suivi les premiers albums de Mardon, des comédies de moeurs contemporaines, que j'avais trouvées agréables mais qui ne m'avait pas marqué plus que cela. L'auteur change de style du moins dans l'écriture avec un récit moyenâgeux très sombre sur la vie d'un homme qui se laisse guider depuis l'adolescence par une force intérieure entre violence et frustration. Le récit est construit comme une tragédie et est d'une efficacité redoutable. C'est bref, intense et l'on ne peut ressortir que touché par cette lecture.
Si Mardon a radicalement changé son écriture ce n'est pas le cas du dessin qui lui est dans une évolution logique de ses premiers travaux. Cela dit on sent qu'il s'épanouit grandement dans cet univers médiéval. Dès la couverture que je trouve cela très réussie, Mardon nous montre un aperçu de que va être l'album. Le gris magnifique accompagne parfaitement l'ambiance sombre du récit. Il y a quelque chose de théâtral dans la mise en page où tout prend un sens très symbolique, qui va en s'accentuant plus on avance dans la tragédie. Certaines scènes me font penser aux films expressionnistes ainsi au 7e sceaux de Bergman. Il y a un clin d'oeil au Cri de Munch. J'y vois aussi des influences de Christophe Blain, particulièrement dans les expressions des personnages. Je pense aussi à certaines illustrations de Dubout que j'ai vues dans recueil de poèmes de François Villon.
Bref un petit bijou parfaitement maîtrisé par son auteur qui s'affirme ici en artiste complet.