Le Fils De L'ogre par Sejy
J'aurais aimé plus, beaucoup plus. Le début du récit augurait un audacieux et ambitieux kaléidoscope dramatique. Tragédie grecque, quête identitaire, étude de moeurs ou encore conte cruel et nihiliste. Ce n'est finalement que le dernier genre qui surnage, les autres promesses ne demeurant qu'à l'état d'embryons.
La faute à une histoire qui va trop vite, ou plutôt qui s'affiche trop elliptique à mon goût. Soixante six planches ne suffisent pas à explorer et goûter toutes les circonvolutions d'une vie si riche et tourmentée et les mœurs d'une époque si chaotique. C'est d'autant plus rageant, que l'on s'attarde quelquefois en de délicieux passages muets qui instaurent une cinétique indolente, prémisses d'une invitation au voyage et à l'immersion. Mais toujours le rythme casse et se tasse, et les espoirs d'un scénario torturé, éclectique et dévorant s'étranglent à mesure que le nombre de pages nous séparant de la fin s'amenuise. On n'entre jamais réellement dans le vif du sujet et il ne subsiste, au bout du conte, que la sensation de superficialité d'une fable sombre et féroce. Et encore...
Cette noirceur recherchée dans la narration souffre, paradoxalement (et involontairement ?), du dessin. Paradoxalement, car ce trait je l'ai adoré. Un graphisme simple, épuré qui se drape par moments d'une esthétique médiévale tout en iconographies et enluminures du plus bel effet. Certes, c'est agréable pour les mirettes, mais en laissant « respirer » les pages, le pinceau aseptise un scénario déjà léger. Je préférerais étouffer complètement.
Vous l'aurez compris, je suis déçu. Cette histoire a glissé sur moi. Alternant et balbutiant divers thèmes de fond, elle ne tire franchement parti d'aucun. Soyons honnêtes, ça se laisse tout de même lire et à défaut d'une profonde gamberge, on se contentera d'un sublime ennui. Mais, si en ces temps pessimistes vous avez, tout comme moi, des ronces qui poussent dans votre porte-monnaie, l'achat s'avérera alors dispensable.