Voici une BD qui peut rebuter par son sujet : l'ambiance sur le front pendant la Première Guerre Mondiale. Petit format (16 x 12 cm), pour des dessins en noir et blanc. Un beau noir et blanc sans nuances, avec des traits précis. Majoritairement, 6 vignettes par planche. Mais quelques vignettes doubles et d'autres pleine planche. Pour les planches comprenant 6 vignettes, on obtient quand même des dessins assez petits. La contrepartie, c'est que le lecteur peut se concentrer sur les dessins, car la BD est sans dialogue. Par contre, elle n'est pas sans texte, puisque les thèmes sont annoncés de façon laconique en blanc sur fond noir, dans une case petit format à chaque fois. Premier thème, qui ne doit rien au hasard : le bruit, avec une explosion et des fusils qui crachent leur mitraille. On observe également des visages de soldats qui montrent bien la souffrance et l'effarement. Gros plans sur des visages, des bouches ouvertes pour hurler, des yeux grands ouverts. Il y a quand même des moments de silence qui permettent de souffler, de penser et d'espérer. Le souvenir accorde quelques parenthèses bienvenues. Bien évidemment, la mort est très présente. Avec elle, tout ce qui l’accompagne et peut la causer : des combats, l'armement, tout ce qui apporte le danger (mortel). Il n'y a qu'à l'arrière qu'un peu de répit reste possible.
Étant donnés son format et le peu de texte qu’elle contient, cette BD se lit rapidement. Elle va plus loin que le simple outil pédagogique, même si elle peut en servir, car un public relativement jeune profitera de la large dominante iconographique qui lui parlera, au besoin sans le texte. Mais le lecteur averti pensera à l’abondante production de Jacques Tardi qui fait référence sur la Grande Guerre (1914-1918). Une guerre terrible, avec sa boucherie, son enfer et son action à long terme sur les esprits. Eh bien, cette BD signée Nicolas Juncker soutient la comparaison, en proposant quelque chose de différent qui, par une grande économie de moyens réussit à faire comprendre l’ambiance de la guerre, aussi bien avec les moments insoutenables sur le front, dans les tranchées ou bien à l’assaut, mais aussi plus simplement dans les esprits. Ce qui manque, c’est l’aspect politique, les causes et conséquences de la Grande Guerre sur le long terme. Mais avec ses moyens, cette BD donne un très bon aperçu de ce que les soldats et leurs familles ont vécu à l’époque. A signaler quand même que les 92 planches n’évoquent que la période de la guerre de tranchées.