Un géant en peine d’amour, une géante libertine, un phyltre d’amour et … de la vaisselle et des corvées de patates.
Aaah Le géant qui pleure ! Surement l’album le plus polémique de la série, qui avait fait couler beaucoup d’encre à sa sortie (et qui continue de diviser encore aujourd’hui). Cela tient autant du dessin de Menu, très disgracieux, que du scénario qui pour la première fois dans la série se montre assez trash et cruel, loin de l’ambiance bonne enfant des premiers Donjon Zénith. J’avoue sans mal que ce Donjon Monsters est pourtant l’un de mes préférés.
Sfar et Trondheim développent dans cet opus une histoire complètement déjantée, où se mêlent la farce grotesque, l’absurde, la cruauté et le cynisme. L’humour est omniprésent mais grinçant, avec des réflexions sur l’Amour qui sont assez déprimantes. L’action est totalement débridée, avec des passages bien farfelus (Horous et Alcibiade se laissant mourir puis pourrir pour ressusciter grâce à un sort de nécromancie de résurrection lancé par anticipation …). Bref, le cocktail humour décapant / action rocambolesque – propre à la série Donjon Zénith – est exploité sans retenue et l’ensemble donne une histoire aussi drôle que trash.
Surtout, l’album exploite pleinement l’ambition de la série Donjon Monsters en nous présentant une nouvelle facette de la personnalité de quelques personnages phares de la série-mère, à laquelle on ne s’attendait pas forcément. Certains personnages importants sont ainsi présentés sous un jour nouveau, et pas à leur avantage ! Marvin, le redoutable guerrier et jovial camarade, apparaît comme un gros queutard égoïste ; l’aventurière Sonia passe pour une traînée castratrice, désirant disposer d’un mari qui serait dévoué aux corvées ménagères pendant qu’elle s’enverrait en l’air avec le premier venu ; Horous et Alcibiade, magiciens dévoués au Gardien, sont présentés comme des intellectuels prétentieux qui se croient supérieurs aux autres mais qui se font rétamer la figure dans ce monde de brutes ; etc.
Cet ensemble délirant est accentué par le dessin disproportionné de JC Menu. Ce dessin taillé à la serpe est certes très peu esthétique, mais il renforce l’ambiance bien barrée de cet album. Un peu comme si le monde de Donjon se fondait le temps d’un album dans l’univers trash et grossier qui caractérise les œuvres de Menu.
Bref, Le géant qui pleure est un véritable OVNI dans la série. Un album souvent incompris qui est pourtant une véritable perle noire.