Quand les Gaulois s’entredéchirent et qu’Astérix joue les plombiers émotionnels

Avec Le Grand Fossé (1980), Albert Uderzo s’attaque à une thématique aussi vieille que le monde (et probablement plus vieille que Panoramix) : la division. Un village gaulois fracturé par une querelle absurde, un fossé aussi symbolique que physique, et nos héros Astérix et Obélix appelés en renfort pour réconcilier tout ce joli monde. Une belle idée sur le papier, mais dans les faits, cette aventure manque un peu de potion magique.


L’histoire nous emmène dans un village voisin divisé en deux camps, chacun dirigé par un chef revendiquant la légitimité. Ajoutez à cela un Roméo et une Juliette gaulois empêtrés dans une querelle digne des Capulet et des Montague, et vous avez un scénario qui mise gros sur les métaphores. Si l’ensemble est malin, on sent que la formule manque parfois d’étincelle, et que les blagues, bien que présentes, ne pétillent pas autant que dans les grands classiques.


Astérix, fidèle à lui-même, joue le rôle du médiateur intelligent et patient, tandis qu’Obélix apporte son lot de gags et de baffes (moins nombreux que d’habitude, hélas). Leur duo fonctionne toujours, mais il est ici un peu en retrait face à la surabondance de nouveaux personnages. Malheureusement, ces derniers manquent de profondeur ou d’originalité, à l’exception notable de la jeune couple amoureux, qui apporte une touche de fraîcheur au milieu du chaos.


Côté visuel, Uderzo reste un maître : les dessins sont impeccables, les décors du village et du fossé sont pleins de détails, et les scènes de batailles restent plaisantes à suivre. Cependant, on ne retrouve pas l’exubérance visuelle de certains albums comme Astérix et Cléopâtre ou Le Tour de Gaule. Ici, tout est un peu plus sage, comme si la gravité du sujet pesait sur l’ensemble.


L’humour, d’habitude la grande force d’Astérix, est ici inégal. Les jeux de mots et les quiproquos sur la division du village font sourire, mais ils peinent à se renouveler sur la longueur. Les Romains, souvent les cibles idéales des gags, sont ici relégués à un rôle secondaire qui limite leur potentiel comique. Quant à la critique sociale sous-jacente sur les conflits internes, elle est pertinente mais pas assez acérée pour marquer les esprits.


Le principal problème de Le Grand Fossé, c’est qu’il lui manque un ingrédient clé : l’énergie. L’histoire avance sans réel éclat, et bien que le message soit noble, le récit souffre de longueurs qui ralentissent le rythme. On attend un grand moment, un coup d’éclat, mais celui-ci ne vient jamais vraiment.


En résumé, Le Grand Fossé est une aventure honorable mais pas inoubliable. Uderzo propose une réflexion intéressante sur les divisions humaines, mais l’album manque de l’humour ravageur et de la vivacité qui font la magie d’Astérix. Une lecture sympathique, mais qui laisse une impression d’écart… entre ce qu’on espérait et ce qu’on a eu.

CinephageAiguise
7

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le 16 déc. 2024

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