Soit disant pour accompagné Fables #14, je cherche encore pourquoi...
Nous avions tous été surpris de voir un nouvel ennemi arriver si vite aux portes de Fableville. Si vite car les Fables n’avaient même pas eu le temps de pleurer leurs morts et de reprendre une vie que déjà ce nouveau venu, ce Mister Dark rasait les sylves, forçant nos compagnons d’aventure à gagner la Ferme. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, à peine arrivés sur place ont-ils tous du dire au revoir au petit Blue Boy ! Laissant les Fables dans une profonde tristesse et Rose Rouge marquée comme nulle autre. Un tome #13 riche en émotion et en surprise, qui ne laissait qu’une profonde envie de lire le tome suivant, mais…
Après une longue période d’exil, Jack est de retour au sein de la communauté des Fables de New York. Pour le meilleur ? Pas nécessairement… A l’heure où les Fables voient leur existence remise en cause par l’apparition des Littéraux – ces principes de l’écriture personnifiés capable de vie ou de mort sur toute création de l’esprit -, le retour de ce fils prodigue ne fait qu’ajouter à la peine de ses semblables. (contient Fables #83-85, Jack of Fables #33-35 et The Literals #1-3)
Mais ce tome #14 ne fait pas suite au tome #13. Non entre les deux se glisse le tome #6 de Jack of Fables ! Tome sorti il y a un peu moins de deux chez Urban Comics (août 2012), et qui met entre parenthèse (en partie) la nouvelle saga lancée dans le tome #13 de Fables. Ce tome de Jack of Fables est il vraiment essentiel pour la compréhension de la saga « La Grande Alliance » dans Fables ? Je dirais que non. Même s’il répond à quelques éventuelles interrogations que l’on pourrait se poser, il apporte beaucoup plus de questions que de réponses, surtout aux lecteurs ne se concentrant que sur Fables. Disons que Fables #14 est plus une suite de Jack of Fables #6 que de Fables #13. Mais si on s’y retrouve des deux côtés.
En gros, ce qu’il faut retenir de ce Jack of Fables c’est que Jack n’est pas un Fables mais un Littéral. Concept difficile a expliqué. Ce sont des concepts comme la censure, l’anthropomorphisme, la science-fiction… Ils sont capables d’influer sur les Fables, de les censurer, les faire évoluer, les faire disparaître. Et Jack s’avère en être un. Très honnêtement je trouve ces nouveaux personnages « chiants » et difficiles d’accès. Dans Jack of Fables #6, Jack aide Mr Revise (celui qui enlève certains éléments des livres comme le quatrième petit cochon, ou qui change certaines choses comme en transformant le Lion d’Oz en peureux) à défendre des Fables face à Censure. A la fin de cette bataille, où Jack est malheureusement égal à lui-même, nous apprenons que Kevin Thorn (créateurs de tous les contes et donc de tous les Fables) a décidé d’écrire une histoire en commençant par « annuler » la précédente et ainsi faire simplement disparaître tous nos Fables ! A ce moment là Jack décide de faire appel aux Fables de Fableville.
Ce tome #14 de Fables est donc un énorme cross-over se centrant sur quelques Fables, quelques Littéraux contre ce fameux Kevin Thorn d’un côté et sur le retour de Jack à la Ferme de l’autre. Jack décide en effet de déléguer la mission d’arrêter Kevin Thorn dans son envie d’effacer les Fables. Mission déléguée à Bigby, Blanche-Neige, l’Anthropomorphisme et Mr Revise. Tâche ô combien difficile lorsqu’on se retrouve face à un homme capable de changer Bigby en éléphant rose !
Fables prend alors une autre dimension avec l’apparition de ces nouveaux personnages si puissants. On se rend compte qu’ils ne sont que des jouets, des marionnettes avec lesquels les Littéraux jouent et s’amusent. Que peuvent-ils faire face à un homme qui peut rayer votre existence de la conscience collective ? Comment combattre un homme qui pour réussir à rentrer dans un endroit efface le « comment » pour passer directement à la solution trouvée ? Comment s’opposer à une armée composée de Western, Science-Fiction, Fantasy ou encore Polar ? (Personnellement cela m’a fait penser à Richard au Pays des Livres Magiques) Une façon subtile de Bill Willingham de nous dire que ces personnages, même s’ils ressemblent à des humains, restent de simples personnages de contes de fée !
Une nouvelle dimension oui ! Un nouvel intérêt ? Cela dépend de chacun. Personnellement je ne suis pas fan, cela complique l’histoire pour pas grand-chose, et il est difficile de se situer, nous lecteurs, vis-à-vis de ces nouveaux personnages incarnant des principes concrets de façon abstraite et vis-à-vis de Kevin Thorn qui se dit créateur non seulement des Fables mais de toute la création ! Que sommes-nous alors ? De simples personnages de contes ? Bill Willingham nous enlève, à travers les mots du méchant, tout libre-arbitre…
Des Fables contre leur créateur donc (avec un pauvre Bigby qui en voit de toutes les couleurs), mais heureusement pour eux et pour nous, Kevin Thorn n’arrive pas à écrire son histoire, à cause de son frère jumeau : Page Blanche ! Pendant que Jack, égal à lui-même, prend quelques jours de congé à la Ferme, ne s’offusquant pas lorsqu’on le prend pour la réincarnation du pauvre Blue Boy, et prenant son pied en profitant de l’état déplorable (et dégouttant) de Rose Rouge complètement détruite par son deuil.
Je trouve dommage ce que Willingham fait de Rose Rouge, je m’attendais à quelque chose de grand pour elle suite à son terrible face à face avec Blue Boy où ce dernier lui a dit ses quatre vérités. Elle jure d’attendre que Blue Boy renaissent et aussitôt Jack de retour elle le fait rentrer dans son lit… Difficile de ne voir autre que chose en elle qu’une pauvre fille. D’ailleurs ce sont le genre d’événements qui me font dire que je déteste le personnage de Jack. Un arriviste, un simplet, un peureux, un profiteur, un menteur… les termes peu élogieux le symbolisant sont légions. Toutes les histoires où il apparaît me hérissent le poil. Je n’aime pas voir un tel profiteur toujours retomber sur ses pattes et réussir à obtenir ce qu’il veut. En cela il est cependant une excellente réussite de Willingham qui cherchait sans doute à le dépeindre ainsi.
Si la partie avec Jack n’est pas passionnante, quoique le voir se découvrir une paternité et le fait de découvrir plusieurs incestes dans ses relations, sont plutôt plaisantes. La partie avec Bigby est plutôt plaisante à lire, mais complètement « barrée » ! Mais peut-être pas assez « barrée ». L’histoire est tellement énorme, l’ennemi tellement démesuré que je trouve que Willingham n’est pas allé assez loin dans la caricatures des personnages comme Guerre, Mystère, Horreur, Littérature, ils ne sont bien souvent que des noms sur des personnages. Avec ce genre d’histoire l’auteur aurait pu se « lâcher » davantage, aller plus loin dans l’absurde, dans la folie, dans l’énorme. Horreur aurait du faire peur aux Fables, Blockbuster aurait du courir dans les lignes ennemis en tirant dans tous les sens des centaines de milliers de balles grâce à des chargeurs ne se vidant jamais. Ils ne se contentent tous que de s’illustrer par la parole, pas par les faits. Dommage. On nous annonce un délire, on nous fait sentir un délire, on nous prépare à un délire et au final Willingham se cadre trop. Il aurait peut-être du prendre ses personnages pour modèle.
Graphiquement Buckingham est toujours aussi excellent sur le titre. Tony Atkins et Russell Braun essayant tant bien que mal de se mettre à niveau avec Buckingham.
Bref, une pause pleine de folie nous est proposée mais une folie que l’on cadre de trop et du coup on se retrouve avec une saga très longue et avec un goût d’inabouti, d’inachevé. Trop de Jack également, je ne suis pas peu content qu’il ait sa propre série, pour ne pas l’avoir dans Fables. Dommage, avec plus de folie cela aurait pu être bien mieux. Et puis surtout quel dommage d’avoir cette saga juste après un tome d’introduction d’un nouveau méchant, on est coupé dans notre élan.