Une belle utopie
Le résumé n'est pas très descriptif mais la couverture et le style graphique m'ont attirés vers cette bd. Sur ce dernier point je n'ai pas été déçue, elle est sublime, dans les couleurs, dans les...
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le 6 mai 2024
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Gaëlle Geniller est une jeune dessinatrice et scénariste française très prometteuse. Après Les Fleurs de grand frère, déjà publié chez Delcourt, elle revient avec Le Jardin, Paris, où elle exprime, à travers ses personnages, toute sa sensibilité.
Si Le Jardin, Paris repose sur un récit linéaire, ses personnages ne sont dévoilés que progressivement, et souvent par bribe. On suit, au début de l’histoire, les pérégrinations de Rose, un jeune garçon qui se produit pour la première fois dans le cabaret que dirige sa maman. Il y a là, déjà, une forme de rupture avec les conventions. Qui est cet adolescent se donnant ainsi en spectacle, accoutré telle une femme ? Cette question, bien moins innocente qu’il n’y paraît, va sous-tendre tout l’album et ce, selon une triple modalité.
Il y a d’abord le regard du public, qui peut renvoyer à un enfer sartrien. C’est ce journaliste de L’Excelsior, Martin Faveau, pointant une « manière inhabituelle de penser ». C’est Rose indiquant : « J’ai très peur que tous ces gens me changent en quelqu’un que je ne suis pas. » Ou confessant : « Je veux plaire à tout le monde tout en sachant que c’est impossible. » De là naît une vulnérabilité qui affecte profondément le héros. Il y a ensuite le regard des autres « fleurs » (les danseuses) : « Rose est en train de transformer notre Jardin en cabaret loufoque. » Plus anecdotique, il situe toutefois certains enjeux et rappelle que les performances de Rose bouleversent les habitudes de la maison. Mais surtout, et c’est là que Gaëlle Geniller fait valoir toute sa sensibilité d’auteure, il y a Rose lui-même, parfois tiraillé, ne sachant s’il faut lui dire « il » ou « elle », cherchant à « sublimer le corps masculin de la même façon qu’ont les femmes de sublimer le leur », et entamant une relation ambiguë avec Aimé, un habitué qui apparaît comme ensorcelé par ses numéros, et qui lui avouera que « pour la première fois […], quelque chose a piqué au vif [sa] curiosité ». La poésie et la justesse avec lesquelles est caractérisé Rose contribuent beaucoup à la qualité de cette bande dessinée – et se marient parfaitement avec des planches colorées et à bien des égards enchanteresses.
Rose est doué d’une émotivité rare. Son nouveau confident, Aimé, le décrit comme « une jeune personne pétillante et pleine de vie », quelqu’un qui serait à la fois « attentionné, bienveillant et plein de surprises ». Le récit apporte toutefois une dimension bien plus profonde au protagoniste. Malgré la défiance qui entoure le monde de la nuit, Rose s’estime chanceux d’avoir eu l’opportunité de grandir dans un cabaret. Il ne connaît pas son père et n’a jamais quitté Paris. On rapporte dans la bande dessinée que, plus jeune, il fut horrifié en découvrant les menstruations féminines : en voyant une tache de sang sur un drap, il a supposé que l’une des « fleurs » s’était blessée… Son initiation aux cavales masculines se fera dans la douleur. L’insistance des hommes lui paraît gênante, voire intimidante. Car Rose est aussi d’une pudeur étonnante, et en un certain sens paradoxale, surtout quand on sait qu’il se produit sur scène devant des parterres admiratifs. Il imagine se cacher le torse lors d’une représentation… alors même que, contrairement aux autres danseuses du Jardin, il n’a rien à couvrir. Après s’être rendu devant la maison d’Aimé, il choisit de prendre la poudre d’escampette, impressionné par le faste des lieux. Sur la tolérance vis-à-vis de son androgynie, il déclare, lucide : « Il est moins évident de faire face à une réalité qu’à un spectacle. » Sur la gloire et le sentiment de dépossession qu’elle peut parfois entraîner, il s’épanche également avec à-propos : « Parfois, il me prend d’être nostalgique de l’anonymat. Tout était plus facile. Je me posais moins de questions. »
On pourrait avoir l’impression trompeuse qu’il ne se passe pas grand-chose dans Le Jardin, Paris. Gaëlle Geniller portraiture pourtant la société française des années 1920 en en révélant certaines fêlures. Marguerite, l’une des « fleurs » du Jardin, a grandi dans une famille aisée et en conserve des cicatrices encore vives. « Pour compenser leur manque d’attention, mes parents me couvraient de tout ce que je voulais. » Violette cache quant à elle son véritable métier à ses proches, qui la pensent serveuse (et en tirent une authentique fierté). Du point de vue de la France provinciale, danser à Paris est forcément sulfureux, ou à tout le moins suspect. Il faut donc taire cette activité qu’on affectionne pourtant. Rose, au contraire, ira se réfugier à la campagne pour se ressourcer. Le poids du succès est devenu trop lourd à porter pour le jeune danseur. La guerre, qui aurait pu occuper une place plus importante dans le récit, n’apparaît que fugacement, quand Monsieur Léon revient au Jardin diminué par le port d’une attelle. Mais là où l’album fait véritablement mouche, c’est dans son traitement minutieux de l’intime. De bout en bout, le lecteur accompagne des personnages abîmés, en doute, ou en construction. Si les situations n’ont rien de spectaculaire, elles constituent en revanche un tremplin idoine vers le tréfonds de l’être. Et cela n’advient que grâce aux qualités d’écriture de Gaëlle Geniller.
Sur Le Mag du Ciné
Créée
le 15 janv. 2021
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La Jardin, Paris, c'est beau, très doux, complètement irréaliste de bienveillance et presque dépourvu de scénario. C'est une jolie bulle de soap, loin d'être désagréable à lire, confortable mais sans...
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Un bien bel ouvrage…D’un point de vue esthétique, il n’y a rien à dire, c’est parfait.Le trait doux de Geniller sert parfaitement la poésie légère de l’histoire. Elle va dans une épure terriblement...
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