Un président ne devrait pas dire ça... mais les autres, en temps électoraux, ne sont pas en reste !

Critique et nombreux extraits sur : http://branchesculture.com/2017/05/24/le-journal-du-off-coulisses-campagne-presidentielle-secret-off-journalistique/


C'est sûr, quand il s'agit de se choisir un avenir politique pour les cinq prochaines années, on est forcé de rester un tant soit peu sérieux. Comme l'ont été les journalistes Renaud Saint-Cricq et Frédéric Gerschel associés à l'un des dessinateurs de presse (et pas que) parmi les plus en vue depuis quelques années, j'ai nommé James, pour publier en un temps record (seulement 10 jours après l'élection d'Emmanuel Macron Le journal du OFF ou Dans les coulisses d'une campagne présidentielle folle. Un album au format comics qui, non content de retracer cette campagne parmi les pires qu'ait comptées la galaxie, fait office de grands déballages des petits secrets que les uns et les autres gardaient jusqu'au verdict final. "Vous ne le répéterez pas, hein ?" Oh, bah maintenant, y'a prescription, semblent dire les auteurs. Et cela donne un niveau de lecture et de compréhension supplémentaire au lecteur.


Résumé de l'éditeur : Pierre Bogart est un journaliste politique reconnu et apprécié du journal le Citoyen. À 45 ans, il est père célibataire et refait régulièrement le monde avec sa fille Chloé ou son ami Nacer, le tenancier de son café de quartier. Cette année, ce sont les politiques qui lui donnent du fil à retordre et matière à parler. Pierre couvre en effet la campagne présidentielle. Et même s’il a ses entrées, il lui faut trouver les infos, et les bonnes. Heureusement, ces politiques, il les connaît par cœur : les besoins du métier. Vingt ans déjà qu’il les côtoie ! Et ils ont souvent pris l’habitude de se confier à lui. Peut-être plus qu’ils ne devraient...


Bon, avant toute chose, on envoie valdinguer le sticker promotionnel reprenant une citation du Parisien, "Très bien informé, le récit de l'élection", dont on se serait bien passé puisque chacun des deux journalistes-scénaristes y travaille ou y a travaillé. On a déjà vu meilleure neutralité, plus légitime. Ce n'est pas bien grave, il se décolle facilement pour désormais découvrir sans appréhension le travail au jour le jour et intense des deux journalistes derrière cet ouvrage qui n'ont eu de cesse de tendre l'oreille tous azimuts. Car si Pierre Bogart est un avatar fictif, les mots, bons comme malheureux, reproduits tout au long de ce document en BD, sont bien réels.


Et Renaud et Frédéric ont ainsi décidé de faire exploser la loi du silence pour proposer une vision de la campagne détachée des grands événements et pourtant au centre des préoccupations. En effet, ici, l'intérêt réside dans le non-événement, ou en tout cas ce qui a été occulté par les 20h et autres flashes info (ça commence dans leur antichambre avec les tractations surréalistes de l'entourage des candidats bientôt interviewés, et notamment celui de Madame Le Pen, autour des sujets à aborder ou pas, de la manière dont les filmer ou pas...), ou s'est tenu dans leur ombre.


C'était sans compter la mémoire (ou alors, ils notent tout) de nos deux as de la chronique politique qui une fois que le gong final ait retenti ont relâché le flux de toutes ses paroles glissées par tel ou tel ténor politique en coin de table, lors d'un coup de fil informel, etc. Autant de paroles, de jugements même à l'égard des uns et des autres, protégées par le "off" journalistique... tout le temps que durait la campagne. Dès que le résultat tombait, les masques pouvaient eux aussi tomber. Et nos sympathiques auteurs de faire leur "Un président ne devrait pas dire ça... mais les candidats à la présidentielle, les ex-candidats, les rivaux invétérés, les faux-alliés et les faux-culs (surtout des faux-culs) ne sont pas en reste".


Le Journal du Off n'a pour autant rien d'un grand déballage gratuit, dans cette chronologie des faits (d'un discours déterminant de Sarkozy en août 2016 jusqu'au soir du 7 mai), les auteurs reconstruisent ainsi les temps forts de cette campagne, leurs temps forts. Ainsi, passent-ils au bleu la teneur (inexistante ou presque ?) des grands débats télévisés, réduits bien souvent à une case pour mieux se concentrer sur leur background, pour mieux se concentrer sur le poids des mots et la... faiblesse des promesses dans ce monde tout sauf immuable qu'est la politique.


Et si de ne pas voir les images rabâchées (et parodiées) pendant des heures à l'antenne est une véritable bouffée d'air frais, le trio d'auteurs persiste à tenir parole (lui !) et à nous proposer une vision différente, en incursion dans un parti des Républicains divisés et dans un parti socialiste qui l'est tout autant. On parle un peu de Marine Le Pen aussi, moins de Mélenchon. Bien plus de Macron, forcément. James digère si bien tout ça qu'il en fait une pièce de théâtre tragi-politique de près de 130 planches ne lésinant pas sur les coups bas et les retournements de vestes... moins sur les attaques frontales, c'est vrai, puisque si le parti est en décomposition, il faut rester uni et serrer les mains. Un mirage qui ne fait que masquer si peu le fait qu'ils se toisent, qu'ils s'en veulent, qu'ils se jugent... bien plus que ce qu'on le pensait. Ce n'est pas du bluff !


Ainsi y trouve-t-on un peu de bave de Juppé, les conseils d'Hollande pour le gouvernement de Trump qui aboutirent (peut-être) à la nomination de... Kissinger, un Julien Dray qui tentera tout pour redonner le goût de la présidentielle à Hollande et un Sarkozy qui, même en vacances en Thaïlande, tentera de tout contrôler. Sans oublier les négociations (et le chantage odieux) de Le Pen en marge des shows télé et le coup en douce de l'inconnu (pour nous) Bruno Retailleau qui, en prélude au débat entre les cinq principaux candidats, n'aura aucun scrupule à échanger la place qui lui avait été attribuée contre une autre bien plus visible à l'écran. Quitte à reléguer le pauvre "premier ministrable" François Baroin dans l'ombre de François Fillon. Ce jeu de cour d'école est tout bonnement surréaliste. Tout comme ce schisme qui a failli éclater chez Les Républicains au sujet de la teinte de bleu que chaque camp choisirait sur sa... cravate.


Au-delà du fait que ce bel ouvrage est remarquablement ficelé, quel joli coup que de donner à la BD l'exclusivité de ses off qui valent leur pesant à une BD qui s'impose, une nouvelle fois, comme un média d'information majeur et désormais capable de tenir les délais !

Créée

le 25 mai 2017

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