Après « La Forêt des renards pendus », c’est la seconde fois que Nicolas Dumontheuil se livre à une adaptation en BD de l’écrivain finlandais Arto Paasilinnna. Et on comprend assez vite, étant donné la teneur des romans de ce dernier, ce qui rapproche ces deux auteurs. Paasilinna, décédé en 2018, avait pour habitude d’injecter du burlesque et de la jovialité dans ses récits, une caractéristique qui se retrouve souvent dans les ouvrages de l’auteur de « Qui a tué l’idiot ? ».

Il en va de même avec « Le Meunier hurlant », une fable réjouissante avec pour protagoniste principal un personnage haut en couleurs, Agnar Huttunen, qui va provoquer un tohu-bohu mémorable dans un bourg forestier paisible de Finlande. Et Agnar, tout sympathique soit-il, on n’aimerait pas l’avoir comme voisin ! Particulièrement doué de ses mains, l’homme a réparé le vieux moulin à la grande satisfaction des habitants qui l’adoptent rapidement. De plus, les enfants l’adorent, fascinés par son exubérance et son talent pour imiter les cris d’animaux. Le problème, c’est que notre meunier a des phases où il semble possédé et se met à hurler très fort comme cent loups, de préférence la nuit. De coqueluche sympathique, il deviendra ainsi paria, obligé de fuir ceux qui veulent le faire enfermer, car c’est certain, on a affaire un fou furieux !

On ne va pas se mentir, il est plutôt perché Agnar, et pas qu’un peu. Mais s’il passe pour fou aux yeux des habitants, il est loin d’être idiot, avec peut-être même un Q.I. au-dessus de la moyenne. Dans son cas, on pourrait imaginer une forme extrême du syndrome de la Tourette, même si personne ne l’a diagnostiqué. Et le jeune homme n’est pas rebutant pour autant. D’ailleurs, une idylle va naître entre lui et la jeune et affriolante conseillère du club rural local, celle-ci n’étant pas insensible à sa fougue et son côté… animal ! Mais bien sûr, comme on s’en doute, cette charmante histoire d’amour sera entravée par nombre d’obstacles, notamment la jalousie de la gent masculine…

Comme indiqué plus haut, le dessin de Dumontheuil est à l’image du propos. Son trait semi-réaliste, extrêmement dynamique et détaillé, respire la vie de tous les côtés. « Gueules » expressives, corps élancés, postures énergiques, refus des lignes droites, tout contribue à faire virevolter nos rétines enivrées par un tel savoir-faire. La représentation des sombres forêts scandinaves et des imposantes habitations en bois ajoutent à l’ambiance envoûtante. Je suis moi-même toujours émerveillé par la façon dont l’auteur dessine les demeures, avec ce je-ne-sais-quoi de cosy qui fait appel peut-être à l’imaginaire enfantin.

Si « Le Meunier hurlant » fournit le prétexte à ses auteurs de brocarder la méchanceté et la mesquinerie du genre humain, cette fable grinçante, qui se termine un peu comme un conte — soyez sans crainte, je ne spoilerai rien —, est aussi une très belle ode de à la nature (il faut préciser ici que Paasilinna a été bucheron et ouvrier agricole) et à la liberté. En tous cas, une réussite de plus pour Nicolas Dumontheuil qui inaugure en beauté la première salve de parutions de l’année.


Pour les plus curieux, on peut préciser qu’une adaptation au cinéma à été faite du roman. Passée inaperçue à sa sortie en 2018, cette revisite déjantée a été réalisé par Yann Le Quellec, par ailleurs scénariste de la bande dessinée « Les Amants d’Hérouville », avec dans les rôles principaux Bonaventure Gacon, Anaïs Demoustier, Gustave Kervern et Denis Lavant. On notera que la musique du film est interprété par Iggy Pop (eh oui !) et Anaïs Demoustier.



LaurentProudhon
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le 3 mai 2024

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