Pour celleux qui ne connaissent pas Jancovici, je pense que c'est une bonne approche à la vulgarisation scientifique. En effet, l'entrée graphique du roman permet sûrement à une plus grande partie de la population d'approcher des thématiques comme la limite des ressources planétaires et l'énergie. Comme à son habitude, Jancovici permet de nous rendre compte de tout l'effort et l'énergie nécessaire pour produire des objets du quotidien comme une brosse à dent et comment ce simple objet s'inscrit dans une société systémiquement dépendant du pétrole.
Si vous connaissez bien le grand prophète Jancoco Vini Vici, alors cette BD ne vous apportera pas grand-chose sur le plan intellectuel si ce n'est une vulgarisation imagée et amusante. En effet, la personnification de JM en dessin est assez drôle puisqu'elle caricature bien le caractère et la personnalité de l'ingénieur : le super sachant impassible qui apparaît presque comme omniscient au monde. J'avoue que j'ai plutôt aimé cet auto-portrait qu'il ironise et moque. Cela apporte au bouquin de vulgarisation un peu de détente et d'humour dans ces sujets pourtant compliqués à aborder. Cependant, vous ne trouverez dans la BD pas beaucoup plus que le conférencier à l'habitude d'exposer dans ses interventions : une démonstration techno-centrée de notre dépendance aux énergies fossiles suivi d'un appel à reconsidérer le nucléaire comme outil pragmatiquement pertinent pour accompagner la décroissance (pourtant j'ai trouvé vraiment drôle et valable la caricature du hippie qui est d'accord avec tout ce que dit Janco "sauf le nucléair"). Mais c'est vrai que là, Jancoco n'y est pas allé de main morte sur l'atome (un poil trop même) !
Malheureusement, Jancovici reste toujours coincé dans son carcan d'ingénieur et le lien qu'il tente de faire en s'intéressant aux sciences sociales est assez mauvais. Tout au long de l'ouvrage, à coup de Striatum, le polytechnicien présente un modèle accusateur qui repose assez largement sur la conscience individuelle et le comportement fataliste du consommateur guidé par la stupide neurologie humaine. En présentant l'état du monde comme la conséquence d'une pulsion animale, Jancovici déconsidère totalement les travaux menés ces dernières années en anthropologie de la nature, philosophie-sociologie de l'environnement, political ecology, etc. Bienheureusement, l'humain n'est pas qu'une bête de consommation et les différentes sociétés qui vivent ou ont vécu sur terre montrent assez bien le contraire de par les différents rapports qu'il peut exister à l'égard de la "nature" qui n'existe pas que comme ressource (fiou!). À travers ses réflexions, Jancovici a encore une fois pris le temps d'occulter les rapports de domination qui ont construit cette société ultra-consommatrice. Le nucléaire n'est qu'un outil subsidiaire pour accompagner la décroissance. Son utilisation n'aura aucun effet si nous ne reconsidérons pas d'abord les rapports sociaux et notre relation au monde non-humain que nous habitons.
Le bougre !