Le livre présente quelques informations essentielles sur les causes et enjeux du dérèglement climatique, mais qu’on peut trouver de façon plus accessible dans beaucoup d’autres oeuvres. Finalement, je me demande à qui s’adresse ce livre de vulgarisation scientifique dont l’analyse politique est très limitée…
Enormément d’éléments sont facilement critiquables et je vais m’attarder un peu dessus :
- Le nucléaire est présenté comme la principale solution à notre crise énergétique : 37 pages y sont consacrées (p. 126 à 163) et finalement l’entièreté du propos du livre s’articule autour de cette idée. On pourrait en débattre longuement, mais force est de constater que l’auteur est de mauvaise foi : les seuls contre-arguments sont Tchernobyl, Fukushima, et le stockage des déchets qui sont effectivement facilement démontables. Les véritables contre arguments ne sont pas mentionnés : les quantités massives d'eau servant à refroidir les réacteurs, la pollution des cours d'eau (tritium par ex), les problèmes des canicules, la question de notre indépendance énergétique (la dernière mine d'uranium française a fermé en 2001), la sécurité (soit disant on ne sait pas à quoi s'attendre avec le déréglement climatique, mais apparemment on est certain qu'il n'y aura jamais de catastrophes naturelles affectant une centrale). La nouvelle génération de réacteurs est présentée comme le Graal (joli technosolutionnisme) tout en omettant de mentionner que l'EPR de Flamanville n'est toujours pas livré, et a coûté 10 milliards d'€ plutôt que les 3 milliards prévus initialement.
- Le cliché des grands méchants chinois qui polluent le monde avec leur gros méchant Iron Man tout noir (p. 104) est à la limite du racisme, ignorant confortablement que la Chine est l’usine de l’Occident et que 20% de sa production est exportée. En bonus, les clichés racistes à travers la caricature sans justifications chiffrées (pourtant bienvenue pour le cas des états-unien) sont fréquents, l’humour français dans toute sa splendeur…
- L’idée du besoin du contrôle des naissances est évoquée plusieurs fois (p.123 et p.184), bien que timidement (faut pas passer pour un néocolonialiste) tout en omettant des infos essentielles (par exemple, avec les mêmes revenus un états-unien pollue deux fois plus qu’un français : le problème n’est donc pas la taille de population, mais surtout le mode de vie). Une seule recommandation est faite quant à notre “rôle” vis à vis des pays en développement : éduquer ces femmes pour leur apprendre à prendre la pilule. Si ça c’est pas du colonialisme… Quelle honte. Les transferts de technologies vertes ne sont même pas mentionnés.
- On sent particulièrement le discours technocrate lorsqu’il est recommandé (p.167) d’imposer de nouvelles directives de production aux agriculteurs en échange d’une prise en charge financière. C’est ce qui a été fait à peu près tous les 10 ans depuis la seconde guerre mondiale avec des résultats désastreux : mais cette fois on sait bien faire les choses alors ce sera différent, n’est ce pas ?
- Le rôle du Striatum est présenté comme une grande révélation, pourtant fausse et réductrice. L’idée que nous sommes des animaux obsédés par la consommation est expliqué par un facteur biologique, et non pas une conséquence du harcèlement permanent des publicités.
Globalement, les rapports sociaux sont largement ignorés comme facteurs de la situation actuelle. Et les critiques du solaire et de l’éolien sont de mauvaise foi et hors-sol, mais il faudrait y consacrer un article entier.
Sur la forme même, le livre est beaucoup trop grand, franchement long pour pas grand chose (des détails sans intérêts sont longuement développés alors que des sujets essentiels sont expédiés) et lourd, ce qui fait qu’il est impossible de le manipuler et lire confortablement à moins d’être assis sur un bureau. Pas fan de l’écriture cursive non plus qui ralenti la lecture.
La partie historique reste intéressante, et la vulgarisation présentant la quantité d’énergie exceptionnelle que nous consommons au quotidien est excellente. De plus j’apprécie les oeuvres concluant par des recommandations encourageante : se déplacer moins et privilégier le vélo, manger mieux, isoler son logement… C’est tout à fait juste et bienvenue. Mais ce livre est finalement près de 200 pages d’approximations, de mauvaise foi, de raccourcis en socio-économie et un plaidoyer pro-nucléaire.