Troisième et ultime aventure de Lefranc dessinée par Jacques Martin, elle clôture une série de trois albums de bande dessinée de grande qualité, denses, haletants, virtuoses même. « Le Mystère Borg » voit une fois de plus le reporter Guy Lefranc aux prises avec le mystérieux « méchant » éponyme, l'insaisissable Axel Borg, riche industriel peu scrupuleux. Je me suis concentré sur le personnage de Lefranc dans une autre critique (ici), je peux donc à présent m'étendre sur le personnage de Borg.


On avait fait la connaissance de cet homme peu recommandable dans « La Grande Menace ». Comme dans tout récit bien construit, on entendait d'abord parler de lui avant de le rencontrer, comme pour mieux matérialiser son aura, qui s'étend rien qu'en évoquant son nom. D'ailleurs, le titre du « Mystère Borg » est bien choisi, car tout ce qui fait l'attrait de ce personnage est justement le mystère qui plane sur lui. Et il est intéressant de noter que si les titres des deux albums précédents se référaient à l'intrigue en elle-même, sur les enjeux matériels et les dangers à venir, le titre de cet album délaisse le sujet de l'attaque bactériologique dont il est pourtant question, pour porter sur la figure d'Axel Borg. Comme s'il était le véritable héros de cet opus.


Et de fait, c'est lui qui donne tout leur sel aux trois premières aventures de Lefranc. Sans cet antagoniste brillamment machiavélique, on aurait eu plus de peine à s'intéresser aux pérégrinations de l'élève modèle Lefranc. Car Axel Borg est doublement dangereux : il est aussi intrépide et athlétique que Lefranc, mais il a en plus un avantage sur le reporter : son immense fortune, qui lui sert à asseoir son emprise sur le monde.


D'ailleurs, dans « La Grande Menace », on ne pouvait qu'être impressionné par l'immensité de ses moyens, de quoi tenir tête à une armée de soldats aguerris. Borg est un personnage trouble, mais aussi charmeur, qui tente de convertir Lefranc à sa vision du monde, souvent dans de belles bâtisses, un verre à la main, lui promettant richesse, confort et pouvoir, au gré de conversations pleines de verve et de piquantes réparties.


Mais ce qui est plus étonnant dans « Le Mystère Borg », c'est cette séquence qui vient densifier ce charismatique personnage, lorsqu'il quitte son palais vénitien et laisse derrière lui, à contrecœur, les magnifiques œuvres d'art qu'il a patiemment amassées. Quoi, un « méchant » doté de sentiments, et même d'une grande culture ? Une séquence hors du temps, comme une adresse pleine de rage au lecteur, venant de cet anti-héros finalement attachant. Je ne pense pas avoir pu lire beaucoup de séquences de ce type dans les bandes dessinées de l'époque, et c'est ce qui confère à cet album un charme particulier. Et à ce personnage une aura décidément fascinante...


Critique à retrouver sur mon blog ici.

ArthurDebussy
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les BD avec les meilleurs méchants, Les meilleures BD des années 1960, 200 bandes dessinées, Top Lefranc et Les meilleures BD éditées par Casterman

Créée

le 22 avr. 2018

Critique lue 971 fois

13 j'aime

14 commentaires

Arthur Debussy

Écrit par

Critique lue 971 fois

13
14

D'autres avis sur Le Mystère Borg - Lefranc, tome 3

Le Mystère Borg - Lefranc, tome 3
Chlorophylle
9

Le franc suisse

Troisième volet de l'équivalent masculin de Barbie journaliste, celui-ci nous emmène pour de paisibles vacances à la montagne avec son ami Jeanjean, du moins, jusqu'à que... Si la série peut paraitre...

le 3 avr. 2018

9 j'aime

10

Le Mystère Borg - Lefranc, tome 3
Play-It-Again-Seb
7

Jeu, set et match

Ma deuxième incursion dans l'univers de Lefranc semble confirmer l'impression laissée par le premier opus que j'ai lu. On tient là un titre solide, qui n'atteint certes pas les sommets d'autres...

Par

le 18 avr. 2022

5 j'aime

7

Le Mystère Borg - Lefranc, tome 3
Frenhofer
9

Des neiges éternelles à la ville éphémère ...

Après l'Alsace et la Bretagne, deux terres françaises chères à mon coeur, Martin s'attaque à la ville de mes rêves, Venise ! Seule déception, très subjective, la Suisse vole trop longtemps la vedette...

le 25 nov. 2018

5 j'aime

5

Du même critique

Mary et la Fleur de la sorcière
ArthurDebussy
4

« Kiki à l'Ecole des Sorciers »

Manifestement, il ne suffit pas de reprendre l'esthétique d'un maître pour l'égaler. C'est ce que les suiveurs et autres académistes apprennent à leurs dépens depuis la nuit des temps en matière...

le 24 févr. 2018

59 j'aime

12

Princesse Mononoké
ArthurDebussy
10

Le passage d'un monde à un autre

« Princesse Mononoké » couronne la carrière d'Hayao Miyazaki par bien des aspects. Peut-être son film le plus riche et le plus complexe, c'est également l'un des plus accomplis formellement,...

le 13 août 2016

36 j'aime

10

Il était une fois dans l'Ouest
ArthurDebussy
9

Western épique et lyrique

Vu une première fois, trop jeune, il y a longtemps, j'étais complètement passé à côté de ce film. Je m'étais dit « tout ça pour ça » ?! Je ne comprenais pas le concert de louanges qui entourait ce...

le 19 août 2020

32 j'aime

20