Cet album me pose un problème.
Comme beaucoup de Français, j’ai une histoire personnelle avec Astérix et Obélix, des BD que je lisais et relisais aux films animés que j’allais voir en famille au cinéma. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer cet héritage après avoir vu l’adaptation par Astier du Domaine des Dieux.
Je suis trop jeune (ou trop vieux, selon le lecteur) pour avoir connu la rupture de 1977, avec la mort de René Goscinny. Il me faudra attendre 1991 et La Rose et le glaive, pour me rendre compte qu’il y a quelque chose de pourri dans le village irréductible (et ce n’est pas du poisson pas frais). Le désastreux film Astérix et les Indiens enfonce le menhir. Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre de Chabat me réconciliera avec cet amour de jeunesse. En 2005, Le ciel lui tombe sur la tête me fait dire qu’Astérix aurait dû être enterré avec René.
Et puis, Jean-Yves Ferri est annoncé au scénario. Pourquoi pas. Avec Lucky Luke contre Pinkerton, Daniel Pennac et Tonino Benacquista ont su tirer Lucky Luke de la boue dans laquelle Laurent Gerra l’avait enfoncé. Ferri, je l’adore pour son De Gaulle à la plage et ses scénarios du Retour à terre.
De la même manière que le Lucky Luke, son Astérix chez les Pictes sauve des arbres en évitant qu’ils soient abattus pour rien (Idéfix a beaucoup pleuré à la sortie de Le ciel lui tombe sur la tête). La lecture est agréable et même rassurante. Le malaise commence à naître. Doit-on louer un album juste parce qu’il arrête le massacre d’un icône de la BD ? Juste parce qu’il est passable ?
Il s’agit bien là d’une victoire à la Pyrrhus (La définition afin de ne pas vous donner un prétexte pour partir sur Wikipédia et ne plus revenir : une victoire (généralement militaire) obtenue au prix de terribles pertes pour le vainqueur.)
Ma première impression sur le Papyrus de César a été similaire qu’aux Pictes. Mais la lecture des critiques de -Piero- et de Step de Boisse m’ont poussé à réfléchir de nouveau à cet album. Le Papyrus de César est beaucoup moins anecdotique que les Pictes. Ferri y aborde le thème de la communication politique. A un an d’une présidentielle, il rejoint là le goût de Goscinny pour la parodie de l’actualité, se faisant chroniqueur de son époque. Ferri ne tombe pas non plus dans la caricature people et putassière, mais place des personnalités représentatives de son sujet : Franz-Olivier Giesbert, Julian Assange et Jacques Séguéla. Le scénariste arrive même à développer un aspect d’un personnage, avec Assurancetourix, et à renouveler le gag des pirates. La conclusion est par ailleurs excellente et un beau clin d’œil.
Mais doit-on pour autant applaudir que Ferri ait réussi à singer Goscinny ? Mon problème est de savoir si je considère Le Papyrus de César comme un Astérix correct ou comme un album de BD passable ? Tombé tout petit dans la marmite du Gaulois, je me réjouis du premier constat. Lecteur de BD en tout genre, je me désole du second.
Quand admettra-t-on que Goscinny et Uderzo sont morts (L’un pour de vrai, l’autre artistiquement) ? Qu’il est temps de faire le deuil et de passer à autre chose ? L’argent en est peut-être le frein et je me désole quand je lis que le Ciel lui tombe sur la tête a été vendu à 3,2 millions d’exemplaires. Et je ne parle même pas des affaires judiciaires en sous-mains. Ferri a trop de talent pour se contenter de porter les braies d’un autre. Pourquoi n’opère-t-on pas une véritable mue comme pour Spirou ou même Lucky Luke dans L'Homme qui tua Lucky Luke ? Être irréductible ne veut pas dire rester dans le formol.