« Un trésor retrouvé » nous dit l’autocollant sur la couverture.


Mais allez-vous croire un autocollant sur une couverture ?


Si la série de petites histoires du petit Nicolas, écrites par le facétieux René Goscinny et dessinées par le doux Sempé, est si populaire, elle fut aussi l’une des plus grandes fiertés du génial scénariste parti-trop-tôt. Ses textes adoptaient une hauteur d’enfant pas si mineure, à la fois douce et malicieuse, recréant un imaginaire passé et désuet et pourtant toujours charmant.


La série a depuis été rééditée, traduite et même adaptée en série animée et en films. Nicolas a tout d’un grand.


Mais ses débuts ont longtemps été oubliés, car ils ne se sont pas faits sous cette formule gagnante de la petite histoire illustrée. Nicolas est d’abord un personnage sans nom de Sempé qui illustre quelques pages de l’hebdomadaire belge Le Moustique. Le rédacteur en chef pressent le potentiel du petit bonhomme et lui demande de l’étoffer, ce qu’il fera en demandant l’aide de son ami et collègue Goscinny, qui signe Agostini.


Le petit Nicolas naît alors sous la forme d’une bande dessinée, publiée en 28 gags d’une planche entre 1955 et 1956. Pas plus, car le résultat ne sera guère convaincant.


Les péripéties du petit Nicolas de la BD se limitent essentiellement à un cercle familial, où le père est omniprésent et la mère secondaire, comme beaucoup de BD jeunesse du quotidien (Boule et Bill par exemple, nés peu de temps après). Le voisin Blédur est un rival un peu agaçant du paternel, pour le critiquer ou l’embêter. Dans la longue tradition bédéaste de « L’enfer c’est le voisin », avec Lagrogne pour Donald, Hilarion Lefuneste pour Achille Talon, Sénéchal pour Cubitus, Monsieur Ducrin pour Modeste et Pompon et d’autres encore.


C’est d’ailleurs l’un des plus graves problèmes de cette bande dessinée, qui semble reprendre tous les gags possibles sans être sublimés par le souffle imaginatif et habituel d’un Goscinny. La situation de départ sera souvent inversée, un Nicolas turbulent repris par ses parents disputera son père qui fait trop de bruit avec le voisin, Nicolas qui a peur des auto-tamponneuses (ou auto-scooters dans le texte) s’amusera de la collision de son père avec une vraie voiture, etc. Par d’autres moments, ce sera le père, victime d’un enchaînement malheureux de circonstances qui sera la victime du gag, voulant corriger ou subissant sans le vouloir les petites bêtises de Nicolas.


Mais rien à faire, cela ne prend pas, c’est peu inspiré, sans éclats. C’est d’un humour assez désuet, qui a terriblement mal vieilli, très classique. Le portrait de cette vieille société permet avec un œil actuel de s’amuser de quelques différences, comme les chiffonniers ambulants, la décoration ou les véhicules présents, mais c’est bien maigre.


L’arrêt de la série a été expliqué par la maladresse du trait de Sempé, peu à l’aise comme dessinateur. Ce n’est pas vraiment si désagréable à regarder, il a un trait un peu haché et fin, mais on le sent un peu exigu dans ces cases, les contours semblent fragiles sur ce papier et les perspectives sont parfois curieusement aplaties.


Si Le Petit Nicolas n’avait pas eu la chance d’une « relance » sous une nouvelle forme, ces planches seraient restées dans un oubli encore plus manifeste. Mais c’est parce que Goscinny et Sempé étaient conscients de leurs faiblesses et de leurs erreurs que les histoires dessinées furent un tel succès, à la fois tendres et amusantes, à hauteur d’enfant et élargi à l’entourage du Petit Nicolas, pas à sa vie de famille. Le lecteur est donc bien loin du « trésor » vanté sur l’autocollant, tout au plus assouvira-t-il une certaine curiosité sur les premiers pas malhabiles de Nicolas, mais sans grande satisfaction.

SimplySmackkk
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le 30 mars 2022

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