Trois ans après le remarquable Mes Hommes de lettres, où je m'étais retenu d'user et d'abuser de superlatifs, Catherine Meurisse est revenu avec le même but, nous divertir et nous instruire.
Cette fois-ci, elle se détache un peu de la littérature, mais pour mieux accueillir les Arts ! Oui, Monsieur, les Arts ! Plus précisément les liens qu'ont entretenu les hommes de lettres avec les artistes, et vice-versa. On commence avec Diderot qui se pique au jeu de la critique artistique, pour finir avec Le Chef-d'oeuvre inconnu de Balzac et Pablo Picasso. Et encore, je souffrirais de ne pas vous avouer qu'il s'agit là de biens affreuses réductions de ma part, tant chacun de ces chapitres fourmille d'à-côtés, de clins d'oeil ou de rebondissements, sans jamais perdre son lecteur.
Bon, en fait si. Les débuts sont un peu pénibles. Les discours que portent Diderot, Delacroix ou Zola sur l'Art sont un peu touffus, pour ne pas dire opaques. Mais cela s'améliore grandement par la suite, et les derniers passages sont renversants. Je ne connaissais pas l'histoire du roman de Balzac cité plus haut, et Catherine Meurisse la raconte à merveille.
Une fois de plus, il faudra accepter certains choix de l'auteur. L'ombre d'Eugène Delacroix est omniprésente sur presque la moitié du livre, quand il n'a pas la parole. Certes, Delacroix, ça a de la gueule. Mais, son grand rival, Ingres, est à peine évoqué, et principalement dans la bouche peu flatteuse d'Eugène. Un court chapitre nous présente Man Ray et Kiki, dont on se demande si c'était bien nécessaire. Le choix des sujets peut paraître parfois étrange, mais on ne va pas empêcher non plus Catherine Meurisse de se faire plaisir, non mais.
On retrouve dans cet album le trait désinvolte et léger de l'auteur. Certains personnages semblent même s'être échappés de Mes hommes de lettres, sans être tout à fait les mêmes, comme ce Zola verbeux, ou cet attendrissant petit Proust. J'adorerais la voir dessiner Proust tout une bédé, tellement elle le fait si bien... Bref. Néanmoins, soyons honnête, son coup de crayon n'est pas adapté quand il faut reproduire des oeuvres d'art. Le discours des personnages perd de sa force quand la toile présentée n'a pas la même puissance évocatrice que l'originale. Des représentations photographiques auraient largement été préférables. Désolé Catherine.
Et je m'en veux de persévérer dans la critique, et même d'être si sottement trivial, mais pour le même prix que Mes hommes de lettres, il y a tout de même une trentaine de pages en moins. Il y a bien 5 pages de petites biographies utiles pour briller autour de la cheminée, mais tout de même, on y perd, ma petite dame.
Je récapitule. Catherine Meurisse a voulu rapprocher deux disciplines artistiques qui s'y sont souvent prêtées au cours de l'Histoire, mais se perd parfois dans son sujet, en peinant au départ à mêler érudition et distraction. Heureusement pour nous, la suite de l'ouvrage est de bien meilleure facture, et remplit ce double objectif. Malheureusement, si son trait se prête à merveille pour l'aspect littéraire, qui souffre moins de l'exigence de représentation, elle peine quand il s'agit de reprendre de nombreuses oeuvres d'arts sous sa plume.
Alors, certes, on en a moins pour son argent, et c'est moins bien réussi que Mes hommes de lettres. Néanmoins, comme ce dernier, si on veut une lecture plaisante mais pourtant instructive, c'est hautement recommandable.
Et je veux un nouveau volume avec Proust dedans !
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