Soyons clairs dès le début : Le Port des Marins Perdus est une nécessité dans votre bibliothèque. Il faut le lire et le relire, s’imprégner des chants marins et en inspirer les crayonnés. Ce bouquin est une œuvre totale qui nous emmène avec la marée pour ne nous redéposer que 300 pages plus loin, un peu essoufflés mais songeurs sur les docks, contemplant Le Port qui poursuit son chemin au-delà.
Bien sûr, il y a le titre. Bien sûr, il y a l’intriguant quatrième de couverture (que je vous déconseille toutefois de lire, pour garder le mystère intact dans le premier tiers). Bien sûr (surtout ?), il y a la couverture, tout en délicatesse, en poésie, en mélancolie qui nous happe et hypnotise. Alors on finit par la tourner – tout aussi délicatement – et le dessin noir et blanc de Stefano Turconi paraît encore plus doux. Sorte de crayonnés poussés, il s’impose comme une évidence après quelques pages seulement pour porter le récit au gré des vagues et des cahots.
Quant au récit, il se divise en chapitres, chacun ouvert par un poème. Nous commençons par repêcher un gamin d’environ 14 ans en pleine mer. Il ne se souvient ni pourquoi il était à l’eau, ni ce qu’il a fait, ni d’où il vient, ni qui il est. L’amnésie est complète, si ce n’est son prénom, Abel. Le capitaine qui l’a sauvé le ramène à bord de son vaisseau, un navire de sa Majesté. L’équipage est arrivé au Siam la veille, fort d’un trésor somptueux après la prise d’un autre bateau. Or, l’ancien capitaine, aimé et respecté de tous, a disparu dans la nuit, emportant avec lui le magot, et trahissant ainsi tout à la fois son équipage et son pays. C’est sur ce bâtiment qu’Abel rentrera à Plymouth et tentera de remettre en ordre le puzzle de sa vie.
Et c’est donc au son des chants des marins que nous poursuivons l’aventure avec Abel. Teresa Radice réalise avec ce scénario une perle absolue, poétique mais sans temps mort, douce et dure, joyeuse et mélancolique à la fois. C’est un vent résolu qui souffle dans nos voiles. On se surprend à arriver au bout plus vite qu’attendu, trop vite, beaucoup trop vite pour la brique qui déjà se referme dans nos mains.
Le dessin, l’écriture, la musique et la poésie se rejoignent à la perfection, tant Teresa Radice et Stefano Turconi ont su leur creuser un lit douillet et idéal pour les faire couler dans le même sens. Implacable et saisissant.
What will we do with a drunken sailor? Put him in the bed with the captain’s daughter!