Le Lama Blanc est le premier album d'une excellente série de bandes dessinées crée par les non moins excellents Bess et Jodorowsky.
C'est le Tibet qui sert de théâtre à ce récit empreint de mystique. Pour nous occidentaux, ce petit pays perché sur le toit du monde représente la quintessence de la sagesse et ses valeurs semblent être le contraire des nôtres : pas de matérialisme débridé, d'égoïsme effréné, de consommation aveugle. Là-bas, au moins dans notre inconscient collectif, on vit proche de la nature, on respecte les esprits, on croit en la réincarnation des êtres vivants.
Ce récit est pétri de ces idées mais il évite de tomber dans le manichéisme. Certes, les occidentaux sont présentés comme les tenants du vrai savoir, de la civilisation contre l'obscurantisme. On pourra leur trouver l'excuse de croire en leur supériorité et en ce qu'ils disent (cette fameuse mission civilisatrice). Il y a cependant un couple d'occidentaux qui apparaissent ouverts aux autres us et coutumes du monde qu'ils traversent.
En face, les tibétains sont loin d'être tous des ascètes en quête d'illumination. Le chef du village est une outre bouffie d'orgueil et le lama successeur un être avide de pouvoir, quitte à tromper son peuple par de viles manigances. Le rouerie n'est donc pas l'apanage des seuls blancs.
C'est dans cet entre deux qu'un duo de lama dévoués à la réincarnation de leur maître vont tâcher d'assurer la mission qui leur a été confiée par celui-ci.
Le propos est en outre servi par l'immense Jodorowsky mais n'oublions pas l'ami Bess dont le dessin est un enchantement. Loin d'être une illusion, son talent éclate à chaque case, que ce soit dans la mise en page ou bien dans la maîtrise du trait. Et que dire de cette mise en couleurs, exceptionnelle pour la fin des années 80 ! En effet, la qualité des impressions était loin d'être celle d'aujourd’hui et lorsque l'on observe les nuances de ses dégradés, en particulier sur les visages, on reste confondu devant un tel brio.
C'est ainsi que nul amoureux de la bande dessinée franco-belge ne devrait méconnaître cette brillante saga. Et si de surcroît l'on est amateur de mystique bouddhiste, aucune excuse n'est plus acceptable pour rester en dehors du cycle...