C'est peu dire si on attendait la suite des aventures de Margaux Motin ! Dans La Tectonique des plaques, dernier opus en date, la dessinatrice avait quitté Paris pour s'installer dans le pays basque avec sa fille et entamait une relation avec son proche ami et collaborateur, Pacco. On raffolait des aventures de cette jeune femme, son humour, ses amours, ses victoires, mais aussi ses failles, bref, sa vie de tous les jours croquée d'un trait espiègle et léger.
Sept ans plus tard, le style est toujours aussi impeccable, autant au niveau du dessin que de la palette graphique : les pages de l'album se tournent avec plaisir. Du point de vue esthétique, c'est top. Malheureusement, difficile d'être aussi élogieux pour ce qui est du contenu... Où est passée la Margaux lucide et lumineuse qu'on avait eu tant de plaisir à côtoyer ? Le personnage qu'on découvre dans ces pages est tête à claque au possible. Rien à voir avec celle qui avait toujours su nous émouvoir par ses doutes et ses questionnements. L'histoire est répétitive : Margaux se met en tête une nouvelle lubie, elle fonce au gré de ses envies sans consulter les trois autres personnes qui vivent sous son toit, ils n'arrivent pas à la suivre, ça l'énerve, dispute, et rebelotte à la page suivante. Une héroïne bornée, donc, limite obtuse, à tel point que ça en devient bizarre : plus encore que de n'avoir jamais vécu avec un partenaire (quand les premiers tomes la montrent en ménage avec le père de sa fille), on dirait qu'elle n'a jamais vécu avec d'autres êtres humains tout court. Je me doute bien qu'il y a une volonté d'exagération à des fins comiques... mais c'est ça le truc, c'est pas très drôle. Plus exaspérant qu'autre chose, en fait.
On nous annonce dans cet opus une réflexion sur la vie de couple, mais apparemment, la vie de couple, c'est surtout se prendre la tête dans la cuisine, se prendre la tête dans le salon, se prendre la tête dans le jardin, se prendre la tête chez Ikéa, acheter des trucs dont l'autre ne veut pas, râler. Ça fait rêver ! À tel point qu'on ne peut pas vraiment donner tort au personnage du compagnon, quand il avoue dans les dernières pages ne pas vouloir d'une telle relation...
Vous aimiez la poésie des précédents albums ? Les paysages à l'aquarelle, les instants d'évasion au coeur de la nature, où la narratrice aime se ressourcer ? Grand bien vous fasse : dans cet épisode, finie la délicatesse (à part l'intermède à mi-récit où le style de dessin change, instant de grâce bienvenu). Tout est archi lourd, de l'humour aux clichés bien datés à base de mecs flemmards, accros aux jeux vidéos et allergiques aux tâches ménagères, et de meufs dirigistes, irréfléchies, et superficielles. Mention spéciale au passage de l'oiseau, où la présence d'un volatile de trois centimètres de large suscite des cris d'orfraies décérébrées jusqu'à ce que l'Homme, le Vrai, vienne prendre la situation en main. Non qu'on ait jamais pensé trouver des thèses féministes dans du Margaux Motin, mais tout de même, il y a des limites... Au milieu de tout ça, les filles respectives du couple pourraient apporter un peu de fraîcheur (on se souvient de Poupette, irrésistible de mignonnerie dans les premiers tomes), mais elles sont très peu mises en avant. Dommage.
La suite annonce manifestement une remise en question de la narratrice, après la bombe lâchée par son compagnon. On espère retrouver la finesse des débuts.