Il n’est jamais trop tard pour bien faire! Essentiellement connu jusqu’ici pour ses ouvrages théoriques sur la BD (« L’Art invisible », ou « Réinventer la bande dessinée »), l’auteur de comics américain Scott McCloud, 54 ans, a enfin décidé d’abandonner la théorie pour la pratique. On peut même dire qu’il frappe un grand coup avec « Le Sculpteur ». McCloud n’avait pourtant plus rien publié depuis une dizaine d’années et sa série la plus connue (« Zot! ») remonte déjà aux années 80, mais cette fois, il a manifestement pris le temps de soigner ce roman graphique intense et détonant. Une fameuse brique de près de 500 pages… qui se lit sans voir le temps passer, ce qui prouve que c’est un grand livre. « Le Sculpteur », c’est l’histoire de David Smith, un jeune artiste new-yorkais. Après des débuts prometteurs, il se retrouve dans une impasse: plus personne ne veut acheter ses sculptures et en plus, il est seul au monde depuis le décès de ses parents et sa soeur. Le jour de son 26ème anniversaire, c’est donc tout seul qu’il noie son chagrin dans une brasserie de la ville qui ne dort jamais. Heureusement, son oncle Harry vient s’asseoir en face de lui et lui remonte le moral en sortant de sa manche un comics dessiné par David lorsqu’il était enfant… Comme il est heureux de retrouver ce beau souvenir! Mais au fond, est-ce qu’il ne l’avait pas brûlé il y a des années, ce comics? Et l’oncle Harry, n’est-il pas mort depuis belle lurette? Tout à coup, David comprend que c’est à la Mort qu’il est en train de parler. Comme dans tout récit fantastique qui se respecte, celle-ci ne tarde pas à lui proposer un pacte: s’il accepte de n’avoir plus que 200 jours à vivre, il deviendra en échange un sculpteur aux super-pouvoirs, capable de tout façonner avec ses mains nues, y compris des blocs de béton ou des immeuble de plusieurs centaines de mètres de haut. Evidemment, David accepte: après tout, n’est-il pas prêt à donner sa vie pour son art? Mais il va rapidement se rendre compte que 200 jours, c’est très court… particulièrement après sa rencontre avec la pétillante Meg, dont il ne tarde pas à tomber follement amoureux.
A la fois chronique sociale, comédie romantique et récit fantastique, « Le Sculpteur » est une magnifique déclaration d’amour à l’art de la part de Scott McCloud. Mais c’est aussi et surtout un récit haletant. Au fil des pages, le lecteur se laisse de plus en plus captiver par la course contre le temps de David. Va-t-il parvenir à échapper à la Mort? Va-t-il oser dire à Meg que leur histoire d’amour sera forcément éphémère? Va-t-il enfin réaliser « la » sculpture parfaite, celle qui lui permettra de laisser une trace dans l’Histoire avant sa mort imminente? Avec « Le Sculpteur », d’ores et déjà considéré par beaucoup d’observateurs comme l’un des meilleurs romans graphiques de cette année, Scott McCloud prouve qu’il n’est pas seulement un théoricien, mais aussi un grand artiste. C’est vrai au niveau du scénario, mais ça l’est aussi au niveau de la mise en scène et du dessin, à la fois précis et expressif, grâce notamment à l’utilisation du bleu pour donner plus de relief au noir et blanc. Déjà publié dans plusieurs langues, « Le Sculpteur » est bien parti pour faire un carton. D’ailleurs, un grand studio hollywoodien a déjà acheté les droits de la BD pour une future adaptation au cinéma. Un signe qui ne trompe pas.
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