Les toutes premières planches jamais réalisées pour Clone Wars nous avaient fait découvrir un maître Tholme boiteux, borgne et balafré (les quatre b de la badassitude, si vous voulez mon avis… le quatrième étant bien sûr Bertrand, mais je digresse) ; il aura cependant fallu attendre ce neuvième tome, Le Siège de Saleucami, pour apprendre que le vieux jedi flegmatique doit ses mésaventures au comte Dooku en personne. En effet, l'album s'ouvre sur un flashback se situant immédiatement après la bataille de Géonosis, à l'issue duquel le Seigneur Noir des Sith laisse Tholme pour mort et enlève son collègue Sora Bulq…


Deux ans et demi plus tard, et Tholme semble en pleine forme, puisqu'il a décidé d'écouter les sages conseils de son amoureuse T'ra Saa et de son ancienne padawan Aayla Secura, à savoir laisser tomber sa canne à bec d'aigle pour une prothèse certes moins gentleman-like mais plus mobile. Il faut dire qu'une mission particulièrement dangereuse l'attend : son réseau d'espions lui a appris que son vieux pote Sora Bulq, désormais le numéro deux de Dooku, se rend régulièrement sur la planète Anzat, dont sont originaires les monstres suceurs de cerveaux de Jedi tome 2 : Ténèbres. Dans quel but ? C'est ce que Tholme, assisté d'Aayla, souhaite savoir.


Entretemps, son autre ex-apprenti, Quinlan Vos, fraîchement réintégré dans l'ordre jedi, visite la chambre funéraire de sa victime du tome 4, le sénateur Viento. Le jeu du beau Kiffar ténébreux était pour le moins trouble à la fin des Cuirassés de Rendili, mais ses motivations sont ici évoquées d'emblée, sans la moindre subtilité : Vos ment aux jedi aussi bien qu’à Dooku pour faire cavalier seul et retrouver "le deuxième sith", qu'il pense être la clé de ce conflit meurtrier.


Ainsi donc, sa lubie de Lumière et Ténèbres ne lui est pas passé… c'est regrettable car comme je l'ai déjà évoqué, cette trame sort de nulle part et n'est pas vraiment intéressante – Quin est un gars intelligent, espère-t-il vraiment tuer un seigneur sith à lui seul ? Et d'ailleurs, pourquoi s'acharner après que Viento, ce nobody, se soit révélé un feu de paille ? Hélas, tel est le vin tiré par John Ostrander, et il faut le boire…


La première partie de l'album se joue donc de cette manière, en intercalant l'enquête de Tholme et Aayla sur Anzat et celle de Quinlan et sa copine Khaleen sur Coruscant. Inutile de vous dire que la première est bien plus passionnante que la deuxième : Anzat est un monde mystérieux et enneigé et les Anzatis s'inspirent des ninjas – ce chapitre a un furieux goût de Kill Bill… si tout le reste avait été de cet acabit, j'aurais été content.


Malheureusement, Quinlan Vos s'enfonce, au propre comme au figuré. Ses pouvoirs psychométriques (tu peux faire plus pompeux, John ?) lui ayant appris que, coïncidence-coïncidence, Viento était en bisbille avec une tueuse anzati appelé Saje Tasha, Quin remonte la piste de cette dernière avec l'aide de Khaleen et de Dexter Jettster (sympa de revoir le restaurateur bedonnant de L'Attaque des Clones, qui semble aussi complice avec Vos qu'avec Kenobi). Cela donne lieu à un affrontement totalement rabâché entre le jedi et la tueuse, où la mise en couleurs de Brad Anderson touche le fond. L'écriture d'Ostrander ne vaut hélas pas mieux, puisque Vos en vient cette fois à croire que le deuxième sith est… Sora Bulq. Je sais que les délais étaient limités, mais Ostrander s'est-il vraiment assis pour réfléchir deux minutes ?


Enfin, avant que la quête de Quinlan et celle de Tholme ne viennent se clasher autour de Bulq, le second a déjoué les machinations du renégat weequay : cloner Bok, le guerrier morgukaï de Rite de Passage, pour créer une "armée des ombres" sous la supervision des Anzatis. Le laboratoire se trouve sur la planète Saleucami, où Tholme croise une autre vieille connaissance : Zao, le jedi aveugle et philosophe de Ténèbres. Ces deux-trois planches n'apportent pas grand-chose au script mais le dialogue y est particulièrement affuté et c'est toujours un plaisir de retrouver Zao, un des personnages les plus truculents de l'ancien UE.


Tholme affronte Bulq avant de s'enfuir et de commencer son travail de sabotage des cuves de clonage des Morgukaï. Il a également eu le temps d'envoyer un message au temple jedi, où maître Oppo Rancisis décide de prendre les choses en main. Rancisis choisit Quinlan Vos comme commandant en second, achevant de nous convaincre que le cerveau d'Ostrander a lui aussi été bouffé par un Anzati.


Flash-forward de presque six mois, et le fameux siège de Saleucami n'en finit pas. C'est un véritable who's who de la série qui s'est donné rendez-vous sur ce caillou aride : Quinlan, Khaleen, Tholme, Aayla, Oppo Rancisis, A'sharad Hett, K'kruhk et Jeisel côté républicain, Sora Bulq, Tol Skorr et Bok côté séparatiste. Comme à son habitude, Quinlan navigue entre deux eaux, jouant les généraux jedi pour Rancisis et les espions pour Dooku, alors que son seul but est de trouver une occasion d'assassiner Bulq.


Ce bourbier ne satisfait cependant personne, et Dooku s'impatiente : ses clones morgukaï doivent se déferler sur la République pour inverser la tendance de la guerre. Pour cela, il faut mettre fin au siège et se débarrasser des deux principales aiguilles dans le pied de la CSI : Oppo Rancisis et Tholme. Sora Bulq doit se charger du premier, Quinlan Vos du second.


Ainsi donc ont lieu les retrouvailles entre le maître et l'apprenti, pour la première fois depuis la très controversée mission d'infiltration dans le tome 4. Cela donne lieu à quelques-unes des plus belles cases de l'album, jusqu'à ce que Vos essaie de convaincre Tholme de le rejoindre dans sa quête du deuxième sith. Devant son refus, les instincts meurtriers du Kiffar prennent le dessus et tous deux s'affrontent au-dessus d'un volcan. Duursema voudrait pouvoir calquer son duel sur celui de La Revanche des Sith, mais c'est peine perdue, malgré de beaux efforts. La fin vient tout gâcher, puisque Tholme tombe dans un puit de lave avant que son ex-apprenti ne lui donne le coup de grâce.


Entretemps, Sora Bulq est parvenu à occire Oppo Rancisis, le lézard à fourrure d'Épisode I. Sans son stratège, la République est vulnérable et le plan de Dooku semble en passe de réussir. C'était sans compter sur la duplicité de Vos, qui prétend lire l'esprit du défunt pour concocter un plan risqué qui donnerait l'initiative aux jedi. Sans qu'on sache trop pourquoi, c'est le moment que choisit Tyranus pour révéler que Khaleen était une agente à lui depuis le début – une minute, mais est-ce qu'on ne le savait pas déjà ?


Bref, peu importe, car tout est vraiment stupide dans ce finish : Quin refuse de tuer son aimée car elle est enceinte, Tholme réapparait et Aayla Secura sabote la fabrique de clonage. Tout cela se voudrait épique mais tombe à plat, la faute à des dialogues bien plats et au dessin de Duursema en bout de course. Seul le duel entre Aayla et son vieil ennemi Bok vaut vraiment quelque chose, car on ne peut s'empêcher de sentir désolé pour le Nikto manchot, conscient de la vacuité de son existence et perdu dans sa haine. Au moins aura-t-il évité le sort de l'autre méchant de Rite de Passage, Kh'aris Fenn, mais on aurait aimé le voir plus longtemps lui aussi. C'était un bon personnage.


Enfin, voyant qu'elle ne pourra le convaincre de baisser les armes, Aayla en finit avec lui en le précipitant sur des rayons lasers, tandis que son maître, qui s'est auparavant débarrassé de cet inutile de Skorr, affronte Sora Bulq. Aparemment, Ostrander estime que ce n'est pas la peine de nous expliquer comment Quinlan Vos, jedi compétent mais lambda, peut tenir tête à un bretteur du niveau de Mace Windu, mais de toute manière, le scénariste est vraiment au bout du bout du rouleau puisque la conclusion de ce combat titanesque n'est rien d'autre qu'une reprise du duel contre Volfe Karkko dans Ténèbres. Quinlan paraît sur le point de succomber à son côté obscur lorsque les mots d'Aayla le touchent et lui font voir la lumière, lui permettant de terrasser Sora Bulq. Mais là où le duel de Ténèbres était bien amené et bien exécuté, le trio Ostrander-Duursema-Anderson tombe à présent dans le kitsch absolu lorsqu'une vision fantomatique d'Aayla perce le cœur de Quinlan d'un rai de lumière. Do you want to live forever?


Patati patata, le siège de Saleucami est terminé, la République a gagné, Tholme part en convalescence bien méritée, Aayla Secura va rencontrer son destin sur Felucia, et Quinlan "Vausse" doit prendre son nouveau commandement sur Boz Pity, non sans faire savoir au préalable qu'il quittera l'ordre à la naissance de son enfant. Est-ce que je suis le seul à penser que lui-même a l'âge d'être le père de Khaleen elle-même ?


Le Siège de Saleucami est un gros foutoir. Je veux bien croire qu'Ostrander ait eu la pression pour terminer dans des délais coïncidant avec la sortie de l'Épisode III, mais cet album n'est que recyclage et fan-service. J'ai été un peu dur avec Duursema, il y a quelques très belles cases par-ci par-là, mais rien qui ne rivalise avec l'élégance de son dessin de ses deux derniers Jedi et deux premiers Clone Wars. Brad Anderson aussi fait ce qu'il peut, mais certains sabres lasers sont à peine surlignés ! J'aurais pu faire mieux avec mon feutre.


Bref, dommage que tant de storylines (le tourment de Quinlan, sa relation avec Tholme et Aayla, le retour des Morgukaï, Sora Bulq, etc) se terminent ainsi en queue de poisson, tout cela à cause de cette foutue manie pour le sith caché. Il est d'ailleurs intéressant de noter que dix ans plus tard, l'auteure Christie Golden reprendra ce concept pour son roman Dark Disciple, inspiré de scénarios d'épisodes de The Clone Wars non achevés : Quinlan Vos, chargé de tuer Dooku, séduit Asajj Ventress pour l'approcher… avant de tomber sous la coupe du Sith, tout en continuant son jeu double dans l'espoir de découvrir l'identité du maître de Dark Tyranus. Mais cela fonctionne beaucoup mieux dans le roman car Quinlan n'a pas le même bagage émotionnel.


Le meurtre de Tinte dans Lumière et Ténèbres restera donc l'apogée de la carrière de Quinlan Vos en bandes dessinées… mais cela ne veut pas dire que le jedi aux dreadlocks ne soit pas prêt pour un baroud d'honneur à l'occasion du tout dernier album de Star Wars : Clone Wars !

Szalinowski
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le 6 juin 2019

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