Gravir l’impossible avec un crayon et une obsession

Le Sommet des dieux de Jirō Taniguchi et Baku Yumemakura, c’est comme si un alpiniste posait sa corde sur votre cœur et tirait à chaque page, vous laissant haletant, émerveillé, et un peu gelé dans votre salon. Ce manga monumental n’est pas seulement une histoire d’escalade, c’est une ascension intérieure, une quête existentielle où chaque rocher raconte une fable et chaque tempête murmure une vérité universelle.


Le pitch ? Une photographie, potentiellement historique, retrouvée dans un appareil abandonné. Fukamachi, un photographe, part sur les traces de Habu, un alpiniste aussi charismatique que sauvage. Et voilà, le décor est planté : l’Everest, théâtre d’une confrontation entre l’homme et l’impossible. Taniguchi et Yumemakura nous embarquent dans une aventure où l’ambition, l’obsession, et les fantômes du passé se croisent sur des crêtes glacées.


Graphiquement, c’est une avalanche (littéralement) de talent. Taniguchi est au sommet de son art, dessinant la montagne avec une précision presque photographique et un sens du détail qui donne le vertige. Les parois rocheuses, les flocons tourbillonnants, les visages marqués par le froid et la détermination : tout est si vivant que vous pourriez attraper une hypothermie en tournant les pages. Les scènes d’ascension, en particulier, sont d’une tension insoutenable, chaque mouvement semblant peser des tonnes.


Mais ce qui rend Le Sommet des dieux vraiment divin, c’est son exploration des profondeurs humaines. Pourquoi gravir une montagne, au risque de tout perdre ? Pourquoi chercher l’inaccessible, encore et encore ? Taniguchi et Yumemakura sondent ces questions avec une sobriété et une intensité qui frappent en plein cœur. Ce n’est pas seulement l’Everest qui est immense ici, c’est aussi la solitude, l’obsession et cette quête presque irrationnelle de transcender ses propres limites.


Les personnages sont des montagnes à eux seuls. Fukamachi est notre fil rouge, mais c’est Habu, l’alpiniste énigmatique, qui domine la scène. Habu est un homme en guerre contre lui-même, contre le monde, et contre la montagne. Chaque flashback, chaque confrontation, chaque silence ajoute une strate à ce personnage fascinant, un héros tragique au sens classique du terme.


Si Le Sommet des dieux a une faiblesse, c’est peut-être son rythme contemplatif qui pourrait décourager les lecteurs en quête d’action pure. Mais pour ceux qui aiment prendre le temps d’apprécier la beauté brute et la profondeur des enjeux, c’est un sommet de narration et d’émotion.


En résumé : Le Sommet des dieux est une œuvre monumentale, un hymne à la grandeur de l’homme et à sa fragilité face à la nature. Une expérience à la fois visuelle et spirituelle, où chaque page est une ascension et chaque silence, un écho qui résonne longtemps après la lecture. À lire avec une polaire et un thermos de thé.

CinephageAiguise
9

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le 6 déc. 2024

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