Quelle tristesse ! 1500 pages dans la tronche pour en ressortir avec un sentiment de trop peu.


Les personnages sont faibles. Aucun n'est caractérisé ni construit. Ils sont à peu près tous gentils. On nous fait croire que Habu sera différent, qu'il aura un peu plus d'épaisseur mais non... on se croirait dans une biographie autorisé tant tout est lisse. Mine de rien, cela se répercute lors de scènes qui auraient pu être magistrales, comme le coup des hallucinations ; hélas, ces passages ne sont que très peu intéressants à cause de ce manque de construction, les fantômes réagissant tous de la même manière. La caractérisation, ça permet de rendre chaque scène unique mais aussi de rendre le lecteur plus impliqué. Cela aurait permis de créer des dialogues un peu plus intéressants aussi : à partir du moment où on peut intervertir n'importe quel personnage pour faire dire n'importe quoi, alors il est bien difficile de s'attacher à qui que ce soit.


La narration est atroce. D'abord à cause de cette construction en flashback : jamais il n'est permis d'approfondir la moindre scène. Ensuite à cause de cette voix off qui provoque le même problème en plus de créer de la distanciation avec ce qui est lu. Jamais le lecteur ne peut s'impliquer dans l'histoire, c'est comme s'il était dans un bus pour touristes et qu'on lui racontait l'histoire à kla troisième personne. Moi j'aurais voulu que ce soit raconté à la première personne. Surtout que la voix off est le plus souvent très dispensable.


Les conflits sont assez nazes. À cause des défauts cités ci-dessus, il est bien difficile de se prendre au jeu des obstacles, de les croire insurmontables. Il reste quelques moments intéressants, la plupart du temps, ce sont les scènes de montagne qui fonctionnent le mieux. Parce que bon toute l'histoire de kidnapping ou encore l'enquête pour retrouver Habu, c'est rarement prenant.


Trop sérieux. Les personnages tirent tous la tronche, c'est un monde morne, triste, fermé. Je ne demande pas de blagues caca, ni même de blagues tout court. Juste montrer une palette de sentiment un peu plus large.


Une histoire trop longue : pourquoi raconter ça en autant de pages ? C'est atroce. On s'emmerde au bout d'un moment. C'est redondant, c'est chiant, c'est pénible. De plus, vu que c'est long, l'auteur doit rappeler régulièrement les enjeux, tenter de redonner de l'emphase à son histoire, et quand il le fait, c'est de manière très grossière, avec un personnage qui rappelle que c'est le monde de l'alpinisme qui va être bouleversé. C'est un peu comique ce genre de déclaration et ça me rappelle les mangas à la DBZ et Cie, sauf que dans ces œuvres là, il y a un second degré, un côté grotesque assumé. Ici, c'est au contraire à prendre très au sérieux.


Le graphisme est inégal. L'auteur se débrouille très bien lorsqu'il s'agit de mettre en scène ses alpinistes en montagne, même s'il se répète (avec autant de pages, c'est un peu normal) ; en revanche, il peine à construire une scène toute simple où les gens parlent : la caméra fait un peu n'importe quoi. Le pire étant que l'auteur semble apprécier étirer ces passages, du coup, il faut parfois attendre quelques pages avant de passer au sujet qui nous intéresse... De plus, dans ces scènes, sans tout l'équipement pour cacher les visages ou les corps, on remarque un peu plus le sproblèmes de canons, de proportions, de perspectives. C'est dommage.


J'ai beaucoup aimé les illustrations entre les chapitres. Tout comme il y a quelques dessins magnifiques dans chaque album. L'on appréciera plus particulièrement le travail de trames, le rendu léché des montagnes. Et puis il y a de belles compo, surtout lorsque les personnages chutent dans le vide.


La conclusion métaphysique n'a pas vraiment pris en ce qui me concerne. Je trouve que l'auteur n'a pas démontré grand chose, qu'il se contente de dire des choses plutôt que de les démontrer. En plus, je trouve que cette sagesse de fin est gâchée par cette volonté de faire un concours de la plus grosse : ce ne sont pas uniquement les personnages qui se battent pour savoir qui est le meilleur, ce sont aussi les auteurs qui précisent constamment la taille de telle ou telle montagne, la durée de telle randonnée, le records battu de telle ou telle manière. Au final, de ce manga, je retiendrai surtout une sacrée apologie de la compétition : il faut être le meilleur, pour les autres ou pour soi, ou pour les deux...


Bref, pas vraiment convaincu par cette BD : on y trouve de bonnes choses, mais il y en a aussi de terriblement mauvaises. De Taniguchi, je n'ai lu que "Quartier lointain" que j'avais apprécié mais dont je sentais certains défauts discrets ou pas trop gênants parce que ça n'était pas trop long ; j'ai l'impression que l'auteur n'a pas su les cacher ici à cause de la longueur du récit, d'ailleurs, je m'aperçois que je suis resté bien plus tolérant sur les deux premiers tomes que les trois autres. Quel dommage.

Fatpooper
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le 9 mai 2016

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Fatpooper

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