Ce jour-là, trois cavaliers épuisés assoiffés, chevauchent dans un paysage tourmenté. Au nord-ouest des monts de la Superstition, jouant leur dernière chance de trouver un point d'eau... Mais plus lancinant encore que leur soif, un mirage obstiné les hante : l'or !... L'or d'un filon fabuleux, enfoui quelque part, dit-on, sur la Mésa du cheval mort...
Bienvenue dans la fournaise !
Après "La Mine de l'Allemand perdu", premier volume haletant du diptyque "L'Or de la Sierra" de Jean-Michel Charlier et de Jean Giraud dit Moebius, survient le douzième tome de la saga Blueberry : "Le Spectre aux balles d'or". Une nouvelle aventure venant mettre un point final à une épopée suffocante s'inspirant de la légende de la mine d'or du Hollandais perdu. Une soi-disant mine d'or située dans les monts de la Superstition à proximité d'Apache Junction, qui tire son nom de l'immigrant allemand Jacob Waltz, considéré par beaucoup comme un menteur pathologique, à l'image de ce cher Prosit Luckner. Une quête folle alimentée par le Démon de l'or qui trouve avec "Le Spectre aux balles d'or", une résultante impitoyable par le biais d'une ambiance oppressante qui se trouve être le point culminant de cette aventure captivante. Dès les premières pages, le lecteur est immergé dans un monde où la mort rôde à travers le décor hostile de l'ouest sauvage américain. Un monde asséché de sentiments où la violence et la putritude sont omniprésentes. Les personnages évoluent dans des paysages désolés et arides, où la chaleur écrasante et la sécheresse les accablent. Les montagnes rocheuses de la Mésa du cheval mort, comprenant des canyons escarpés et des plaines infinies asséchées sont autant de terrains hostiles où les protagonistes doivent lutter pour leur survie.
« Ce cirque rocheux, c'est la marmite de l'enfer... Tu verras ça, en plein soleil !... Pas une goutte d'eau, pas un coin d'ombre... Même avec des réserves, je défie quiconque de tenir le coup dans cet enfer !... À moins... À moins d'être une âme errante ! Celle du damné qui hante ce lieu maudit !... »
Les paysages désolés et arides sont les plus emblématiques de la rudesse de cet environnement, où chaque pas peut être fatal. Les décors sont tellement vivants qu'ils semblent avoir une vie propre, et les dangers qui y sont présents paraissent d'autant plus réels. Les héros de l'histoire ne sont que des grains de sable dans un monde immense et hostile, où la mort guette à chaque tournant. L'atmosphère est lourde et pesante, et chaque page tourne avec l'angoisse de savoir ce qui va arriver ensuite.
Blueberry et Mac Clure, nos deux héros, sont confrontés à des ennemis sans scrupules, installés par le truchement d'une menace constante qui offre une caractéristique oppressante supplémentaire au périple. Que ce soit les attaques indiennes, le binôme de tueurs sans scrupules incarné par Prosit Luckner et Blount Wally, le soleil de plomb et surtout le mystérieux spectre aux balles d'or, notre duo est constamment confronté à des dangers mortels. Malheureusement, Blueberry et Mac Clure sont impuissants face à la menace qui plane sur eux et les événements qui se déroulent devant eux. Ils ne sont que spectateurs de cette situation périlleuse et catastrophique. Ils tentent de retrouver Prosit et Blount, mais sont toujours en retard. Malgré leur rôle de spectateurs, Blueberry et Mac Clure cherchent à comprendre les énigmes complexes qui se cachent derrière les événements. Les intrigues se multiplient avec des personnages qui évoluent dans un monde dans lequel on ne sait jamais vraiment qui est votre ami ou votre ennemi. Les enjeux sont multiples, et les indices pour y aboutir sont souvent subtils. Les événements qui maintiennent le suspense sont nombreux, avec des surprises à chaque tournant. On est rattaché à chaque instant. La tension monte progressivement au fil des pages pour ne plus nous lâcher jusqu'au bouquet final. Des intrigues complexes qui s'organisent autour d'un seul homme : "Prosit Luckner", et de sa poursuite infernale de l'or gardé par le mystérieux "Spectre aux balles d'or".
Le Spectre aux balles d'or est un personnage inquiétant et mystérieux, qui se trouve être au cœur de cette aventure palpitante. Le Spectre est un personnage insaisissable, il apparaît et disparaît comme par magie, toujours accompagné du bruit sinistre de ses balles en or. L'incarnation même de la terreur, dotée dans l'histoire d'une présence constante qui ajoute une dimension supplémentaire à l'ambiance déjà irrespirable. Sa traque implacable de Luckner et Blount à travers une posture fantomatique rend chaque page plus captivante que la précédente. On est tenu en haleine par la tension qui monte d'un cran à chaque fois qu'il se manifeste. Mais qui est ce mystérieux tueur ? Pourquoi s'acharne-t-il sur Luckner et Blount ? Est-il lié à la mine d'or ? Le filon existe-t-il vraiment ? Ces questions ajoutent des intrigues supplémentaires à l'histoire, et le lecteur est toujours à l'affût de la moindre information qui pourrait l'aider à comprendre les motivations du Spectre. Le scénario de Jean-Michel Charlier est particulièrement réussi dans ce domaine, et les indices sont semés avec parcimonie tout au long de l'histoire. Au bout de cette traque implacable, on découvre un personnage tragique, complexe, tourmenté, et animé d'une profonde colère. C'est là tout le talent du scénariste, qui parvient à créer des personnages attractifs, même lorsqu'ils sont du côté obscur de la loi.
De l'homme qui le premier, a découvert la mine ! Et qui en est mort... Depuis, son spectre veille jalousement sur l'or ! Et malheur à qui ose s'en approcher... Les Indiens ne s'y sont pas trompés... Eux... Ils fuient ces montagnes !...
Les personnages sont bien construits, avec des personnalités distinctes et des motivations claires. Blueberry est un personnage principal que l'on sait fort, avec une présence charismatique qui attire l'attention. Pourtant on peut le voir ici douter, puisque à son tour il finit par succomber à l'idée que l'or existe. Un appât du gain qui finit par s'immiscer dans son esprit jusqu'à s'additionner avec son objectif initial : la poursuite de Luckner pour le pendre haut et court.
« Moi, je suis venu jusqu'ici pour avoir Prosit et je l'aurai !... "Et avec l'or en prime, j'espère." »
Mac Clure est dans ce tome plus en retrait par rapport au tome précédent. Il reste néanmoins un pilier de l'histoire, qui pauvre de lui, n'est pas au bout de ses peines.
« Ce... Ce spectre aux pieds nus... Ces balles d'or... Ma foi, fiston... C'est vrai, j'avoue... J'ai la trouille ! »
Les antagonistes principaux, tels que Luckner et Blount, sont tout aussi intéressants et apportent une profondeur supplémentaire au récit. Wally Blount est un tueur à gages décidément intéressant à suivre. Une menace à ne surtout pas sous-estimer.
« Ok... Prosit !... Voilà donc ce que je te propose ; à prendre ou à laisser... L'or pour moi, la vie sauve pour toi !... Et c'est toi qui fait la bonne affaire, amigo !... La vie est une marchandise qui n'a pas de prix !... »
Blount va tout de même trouver plus dangereux que lui avec Luckner. Prosit Luckner, de son nom véritable "Gustaaf Hazel", un méchant d'une rareté surprenante tant il est diabolique à souhait ! Un adversaire intensif semblable à un démon : implacable, roublard, perfide, manipulateur et assassin. Il tuerait jusqu'à sa mère pour obtenir ce qu'il désire.
« Le Diable est avec moi ! »
Avec Prosit, il faut toujours être sur ses gardes, et ne jamais au grand jamais, lui tourner le dos. Il est si bien écrit qu'il en devient passionnant à suivre, au point de devenir le personnage principal de cet album infernal.
Nos cowboys sont confrontés à une série de rebondissements et d'événements qui maintiennent la tension tout au long de l'histoire. L'art de développer des péripéties simultanées tout en ménageant le suspense avec une intelligence redoutable. En effet, l'action est palpitante et haletante, avec des mises à morts insidieuses, dont un jeu du chat et de la souris sous la forme d'une chasse à l'homme implacable. Les protagonistes sont toujours sur le qui-vive. Ils doivent dans un premier temps faire face à une menace indienne virulente les contraignant à fuir vers la Mésa du cheval mort, que les Apaches considèrent comme maudite. Une victoire qui rapidement sonne comme une tromperie puisque la Mésa s'avère être bien plus dangereuse que la menace indienne. Une véritable fournaise, le chaudron du Diable ! C'est là, que s'opère une terrible confrontation sous la forme d'un récit de survie dans lequel l'environnement s'avère tout autant dangereux que le Spectre. Une série de rebondissements saisissants qui pas une seule fois déçois le lecteur qui s'accroche au récit. Dans les montagnes de la Mésa se creuse à un endroit secret un profond canyon dans lequel se trouve une douve gigantesque défendant un rempart à la forme cyclopéenne. Une cavité où se trouve les ruines d'un village précolombien. Une arène extraordinaire offrant un théâtre final absolument remarquable. Une confrontation obsédante entre Prosit et le Spectre pour une résultante inattendue. Du grand art !
Les dessins de Jean Giraud renforcent encore davantage cette atmosphère accablante avec des couleurs sombres ou des couleurs brûlantes qui ajoutent une dimension supplémentaire à la terreur. Le contraste entre les ténèbres et les lumières est sidérant, irradiant certaines images. Les couleurs sombres de la nuit renforcent l'atmosphère angoissante et oppressante par un contraste glacial frissonnant, alors que les teintes ocres et marron renforcent l'impression de chaleur et de sécheresse, durant les journées étouffantes. Les dessins sont d'une grande précision, et chaque détail est travaillé avec soin sans perdre en vitalité ni capacité subjective pour renforcer l'immersion du lecteur dans cet univers décadent et impitoyable. Les contours sont souvent flous, comme si le lecteur regardait le monde à travers un brouillard opaque, renforçant ainsi l'ambiance mystérieuse et inquiétante de l'œuvre. Les planches où le Spectre apparaît sont particulièrement impressionnantes, avec des vignettes qui soulignent l'aspect spectral de l'individu. Les traits des personnages atteignent la perfection. Les techniques employées offrent des retranscriptions incroyables. L’échelle de valeurs, et les bases anatomiques, telles que la structure du visage, le travail du regard, des lèvres, ainsi que les proportions sont de toutes beautés. L'aspect démoniaque des hommes ressorts via une impulsion malsaine sidérante venant parfaitement se greffer avec le reste des planches. Une conception surprenante savamment modulée à travers une fresque visuellement irréprochable.
CONCLUSION :
BLUEBERRY, tome 12 : « Le Spectre aux balles d'or », par Jean-Michel Charlier et Jean Giraud dit Moebius, est une bande dessinée incontournable pour tous les amateurs d'aventures palpitantes et de westerns. Que ce soient les intrigues complexes, les nombreux rebondissements, les personnages bien intégrés, la traque implacable du Spectre, l'ambiance oppressante, la tension haletante, le terrible environnement de la Mésa, jusqu'aux dessins obsédants, tout est orchestré avec une grande précision.
Sur le plan créatif qu'il soit narratif ou visuel, le lecteur est tenu en haleine jusqu'à la dernière page. Une pépite !... Mieux, une mine d'or !!... Un chef-d'œuvre !!!
- Wally ! Ceci est une des balles qui ont failli nous descendre !... Elle a ricoché contre la paroi et est venue rouler entre mes pieds...
- Et alors !?
- Et alors ! et alors ! Es-tu aveugles ?... Elle est aplatie, mais... Mais regarde !!! Une balle en or ! En or pur !