La guerre est finie ?

Parue en 1949-50 dans le journal Tintin cette seconde aventure d'Alix reflète l'atmosphère d'une époque qui cherche à dépasser le souvenir encore brulant de la seconde guerre mondiale.

En mai 1951 l'épisode "Attaque en Birmanie" clôt le cycle des aventures de Buck Danny durant la guerre du Pacifique et la disparition du journal Coq hardi en 1951 provoque l'interruption des séries, « Colonel X » et « Les trois mousquetaires du maquis », consacrée à la résistance par son directeur Marijac .

Même si de temps à autres durant les années 50 des récits se réfèrent assez explicitement à la période tragique de l'occupation, (En 1956-57 deux épisodes de Lucky Luke "Alerte aux pieds bleus" et "Lucky Luke contre Joss Jomon" mettent en scène une petite ville subissant les restrictions et la mainmise d'une occupation aussi ignoble que brutal) en 1950 la première réplique de Mortimer en ouverture du "Mystère de la grande pyramide" indique clairement que la guerre est terminée.

Mortimer : "Eh d'ailleurs nous sommes en vacances ! Finis les neutrons, protons et autres "Espadons" !... "

Jacques Martin créateur d'Alix, Lefranc, Jhen et proche collaborateur d'Hergé semble avoir plus de mal que d'autres à tourner la page de la période tragique de l'occupation. Né en 1921 à Strasbourg dans une Alsace redevenue française Jacques Martin confiera plus tard avoir subi le racisme anti français de la part de ses camarade d'école, il semble en avoir gardé une vision assez pessimiste de l'humanité qui transparait dans son oeuvre.

En 1952 la première aventure de son héros le journaliste Lefranc évoque très clairement la crainte d'une renaissance du nazisme et il faut plus de 15 pages pour terminer une guerre des gaules dans laquelle le héros se trouve déchiré entre son devoir à l'égard de sa tribu et sa fidélité à l'égard de Jules César.

On remarque que durant cet épisode Jacques Martin s'emploie à renvoyer dos à dos les deux adversaires.

La tribu d'Alix est représenté comme un peuple dépourvu d'une autorité politique légitime qui du coup le chef Astorix étant décédé le conseil de se déchire sur le choix de soutenir Vercingétorix ou Jules César manière assez transparente d'évoquer la faillite de la 3° république qui en 1940 octroie les pleins pouvoir au Maréchal Pétain. Les responsables de la tribu mise en scène prêt à efectué un sacrifice humain pour assouvir leur ambition qu'ils dissimulent derrière le bien commun en ne faisant preuve d'aucunes hauteurs de vues illustrant la période de l'occupation porteuse de troubles et d'ambiguïtés. Les violents débats qui, dès la première page, agitent la tribu d'Alix sur la nécessité, ou non, de s'engager aux cotés de Vercingétorix assiégé dans Alésia apparaissent comme la transposition antique des divergences opposant gaullistes et pétainistes sur l'utilité, ou non, de poursuivre la guerre entre 1940 et 1944.

« Le sphinx d'or » P. 3 :

Le druide Ansila : « Il faut se battre contre les Romains, Aldéric ! Si nous restons passifs, la vengeance de Vercingétorix sera terrible […]

Aldéric : Les Romains nous ont déjà vaincus : inutile de nous exposer à une nouvelle défaite.

Le druide Ansila : Si Vercingétorix capitule, les armées de César mettront notre pays à feu et à sang. Il nous reste encore une chance de vaincre. Tentons-la !...

La suite du dialogue ne tranche pas le différend mais renvoie dos à dos les deux attitudes qui découlent des mêmes motivations égoïstes. Quand les deux protagonistes tombent d'accord sur l'organisation d'un sacrifice humain, c'est dans le but politique d'assoir leur pouvoir sur la tribu sous couvert de religion.

« Le sphinx d'or » PP. 3 & 4 :

Le druide Ansila : « Offrons un sacrifice, si la fumée est noire, cela signifiera que les dieux ne veulent pas notre intervention. Au contraire, si elle est blanche nous devrons faire la guerre.

Aldéric : Tu n'es qu'un fourbe. Ta science te permet de rendre à volonté la fumée blanche ou noire !

Le druide Ansila : Tu te trompes, Aldéric. Il ne s'agirait pas d'un sacrifice ordinaire. // Comme dans toutes les occasions solennelles, je propose que pour décider les dieux à répondre à notre appel, nous immolions une victime HUMAINE !.. […]

Aldéric : Ta suggestion est acceptée, Ansila. A une condition toutefois ; je veux choisir moi-même la victime. // Que penses-tu de Vanic, le neveu d'Astorix ? N'est-ce pas l'occasion de nous débarrasser à tout jamais de cette encombrante famille.

Le druide Ansila : Tu es la sagesse même Aldéric. »

On notera que l'image de la résistance se trouve par là sévèrement éborgné le résistant apparaissant comme celui qui a eu à un moment l’opportunité de faire le bon choix (celui du vainqueur). Du coté des romains si l'image du chef Jules César est préservé,

- Il cherche à préservé Alix de la douleur de voir la reddition de Vercingétorix

- Il donne des instructions de clémence à son subordonné chargé de gérer l'occupation.

César : "Démétrius tu iras camper près de la tribu d'Alix avec une cohorte. Conduit toi en protecteur et non en occupant !"

Après avoir rendu hommage au courage de son adversaire Vercingétorix.

César : "Eu égard au courage execptionnel de cet homme [...] je ne veux point me laisser guider par le ressentiment ... Labénius traite le avec tous les égards dus à son rang."

De même la noblesse de Vercingétorix se sacrifiant pour épargné à ses hommes de mourir de faim dans Alésia est souligné.

Mais derrière la figure du chef préservé aucuns des deux parties en présence (Gaulois et Romains) ne sort indemne du récit, les romain (P.9) sont montré pratiquant la torture avec l'aide de gaulois intégré dans une légion romaine.

Aucuns des deux camps ne peut prétendre incarner le bien, finalement le héros Alix ne peut que quitter le pays en acceptant la mission confié par César après avoir vainement tenter de concilier les deux parties en organisant un convoi humanitaire en direction d'Alésia.