Le style de Vink est reconnaissable à des kilomètres : aquarelliste il fait prendre forme à ses personnages plus par la couleur que par le trait. Les visages ont tous ce grain particulier qui nous distingue de notre voisin, et on croirait presque entende le timbre de leur voix tellement on sent que les personnages de papier ont été puisés pour la plupart dans une galerie des masques bien réelle.
Le dessinateur nous transporte donc dans un univers bien à lui, personnel, très pastel mais qui ne manque pas de contraste. Les paysages sont magnifiques et le format de la BD lui-même se prête bien à l'appréciation des coloris.
Parlons du scénario : c'est à Rodolphe qu'on le doit. J'ai connu Rodolphe pour sa collaboration avec Léo pour Namibia et j'avoue qu'il trouve toujours le moyen de nous surprendre en attribuant aux objets ou aux situations quotidiennes des fonctions inattendues.
L'histoire du Temps perdu, clin d'oeil à La Recherche de Proust, relate l'histoire d'un dessinateur qui s'arrête une nuit dans un hôtel parce qu'il est trop fatigué. A peine arrivé dans sa chambre, l'une des gravures accrochée à son mur attire son attention par son exécution technique...et la gravure l'aspire.
L'idée des frontières troubles, le symbole du passage,et du "seuil" entre l'imaginaire et le réel sont des topoï de la BD, (on le retrouve dans Philémon de Fred par exemple) mais ils sont présents dans cette oeuvre-ci pour jouer un rôle tout particulier que je vous laisse découvrir si vous avez envie de la lire.
Pourquoi le personnage-narrateur est-il amené dans ce monde dessiné étant lui-même dessinateur?
Pourquoi est-ce dans cet hotêl précis, qui porte le nom du "temps perdu", qu'il s'arrête?
En somme c'est une BD très symbolique, je la conseille à tous, vous y trouverez de belles trouvailles et vous ouvrirez les portes du réalisme magique.