Alors là, j'ai pris une claque. Oui, les pages de ce livre se sont suivies à grande vitesse fouettant ainsi mon visage d'un vent fou : celui de savoir, savoir ce qui va se passer, ce qui va arriver.

Je ne sais pas comment je vais évoquer ce livre sans dévoiler son intrigue. Je crois que c'est le genre d'oeuvre qu'on apprécie de découvrir dans l'intimité de la lecture silencieuse. On a envie d'en parler autour de soi mais parfois les mots manquent pour exprimer tout le mystère et toute la puissance de vie et de mort qui transpercent ces pages.

Imaginez que vous vous retrouvez seul(e), perdu dans des montagnes inhospitalières, loin de toute forme de vie urbaine ou de vos habitudes confortables de "Senscritiqueurs et -queuses" et que vous vous rendez compte que vous êtes enfermé(e) derrière un mur circulaire, transparent, froid et impénétrable.
Ce mur est complètement infranchissable et il vous faut tout simplement survivre. Oui, survivre, tout faire à la main, à la force de vos bras et de votre mental.

C'est ce qui est arrivé à la narratrice du "Mur invisible". Partie en visite voir deux membres de sa famille elle est subitement confrontée à cet isolement incohérent, un matin après avoir attendu Hugo et Louise, en déplacement au village le plus proche, une partie de la nuit.
Sa liberté qui n'avait pas de limites, se retrouve froidement délimitée par ce mur impalpable qui tombe comme un couperet. Impossible de le voir cependant il est bien présent.
Qu'y a-t-il derrière? Rien.
Rien? à part quelques êtres figés dans leurs derniers instants. Voilà ce qui est advenu du reste du monde : la mort.

On ne connait pas le nom de la narratrice et on ne le connaîtra jamais. Cet anonymat sert beaucoup à l'histoire car il permet de laisser le personnage vivre à travers soi.
On découvre petit à petit qu'un drame, terrible, a amené l'inconnue sur le terrain de l'écriture.
Elle annonce dès les premières pages qu'elle a peu de papier pour raconter et qu'elle ne dispose que de trois crayons et d'un stylo.... Le lecteur va alors suivre avec elle le lent apprentissage de la survie jusqu'à se fondre dans le personnage.
Elle n'est pas seule, un chien, Lynx l'accompagne dès le début...plus tard elle découvre une vache égarée de son troupeau qui est resté....de l'autre côté. Elle la surnomme Bella et s'en occupe avec amour et attention comme pour se donner une deuxième vie de mère.

Ce livre est plus qu'une robinsonnade au féminin, c'est un livre sur la Vie, sur les Vies : vie humaine, vie animale et surtout vie intérieure. La narratrice est obligée, par la force du destin qui s'abat sur elle, de sauver son humanité qu'elle conserve en s'occupant de ses animaux, en apprenant à cultiver par elle-même des haricots et des pommes de terre, en aidant Bella dans certaines étapes de sa vie que je préfère taire, et en écrivant.

Les éléments, puissants, ne sont ni contre elle ni avec elle, ils sont; et cette femme a conscience de n'être rien face à l'immensité de la nature malgré la petitesse de sa prison délimitée par le mur. Elle nous le dit avec une grande simplicité et le livre se fait confidence sur le passé qui lui devient presque inconnu, c'est le passé d'une autre personne qui lui revient en mémoire. Les craintes qu'elle peut ressentir face à l'avenir sont atténuées par l'absence d'espoir qui l'empêche de croire en une possible libération.

Le relirai-je? Oui, nul doute, mais pas dans les mois qui viennent. Peut-être regarderais-je les films? je ne sais pas. C'est un livre dont on ne peut sortir indemne si l'on se met à la place de la narratrice et je vous assure que ce n'est pas difficile tellement la dureté du travail de la terre, la brûlure de la solitude, et la terrible quotidienneté s'abattent sur ce personnage profondément humain qu'on a envie de le prendre dans ses bras, de sauver, d'encourager. On peut parfois sentir près de soi la chaleur du souffle de ses animaux.
C'est un livre qui parle malgré le silence terrible dans lequel la narratrice est "murée", un livre qui soulève de multiples questions sur notre humaine condition et sur notre capacité à l'endurer.
LHerbier-Cleste
9
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le 18 nov. 2014

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