Je crois que c'est le premier album d'Astérix que j'ai lu, je l'ai encore, c'est une édition originale de 1965, il devrait valoir une petite fortune, et il n'est pas trop abimé, mais je peux dire qu'il a été manipulé, j'ai lu et relu cet album je ne sais combien de fois, surtout qu'à cette époque, la politique d'édition en albums n'était pas comme de nos jours, chose très courante. De toute façon, pour rien au monde, je vendrais ou me séparerais de cette collection Astérix, beaucoup d'entre eux sont des bonheurs d'enfant.
C'est probablement l'un des 5 ou 6 meilleurs albums de la série. C'est surtout un album qui marque une étape : les ingrédients sont en place, le trait d'Uderzo commence à se poser, son dessin s'est bien amélioré depuis Astérix le Gaulois et la Serpe d'or, c'est encore un graphisme très rond et rigolo, dont l'affinage ne va pas tarder. C'est aussi l'apparition du chien Idéfix qui attend benoîtement devant une charcuterie lutécienne à la page 13 ; il va suivre les héros durant tout leur voyage, et à la dernière page, Obélix le caresse sans qu'on sache trop s'il va revenir, mais on s'en doute un peu.
Goscinny en profite pour se livrer à une énumération fort drôle des spécialités gastronomiques et régionales des Gaulois, en parallèle avec notre époque (les "p'tet ben qu'oui, p'tet ben qu'non" normands, le "P'tit Quinquin" des Nordistes, les pétanquistes massiliens, le vin pétillant de Durocortorum, les pruneaux d'Aginum, les saucissons de Lugdunum...), tout en mettant en valeur certaines cités comme la promenade des Bretons de Nicae, les ruelles de Lugdunum ou les encombrements de Lutèce... sans oublier l'entraide entre Gaulois qui n'en ratent pas une pour ridiculiser les Romains. Dommage que Burdigala ne soit pas mieux représentée, mais le morceau de bravoure est la scène de la Taverne des Nautes à Massilia, où le pastiche des personnages de Pagnol est très réussi. On voit que Goscinny a trouvé ses marques, il a désormais rôdé son style humoristique fondé sur les calembours et les allusions (l'affaire du courrier de Lugdunum, la voie romaine n° VII).
Je me souviens surtout qu'avec cet album, j'apprenais les noms romains des villes en Gaule, comme Rotomagus, Durocortorum, Camaracum, Divodurum, Massilia ou Burdigala... c'était très marrant, j'ai cherché à en découvrir d'autres, c'est là qu'on s'aperçoit que ces noms sont bien réels, c'est pas des noms fantaisistes, preuve que la BD qui à l'époque rendait les parents méfiants, pouvait être à la fois ludique et instructive. Un grand classique qui glorifie la Gaule, et c'est tant mieux par Toutatis !