Richard Corben reste un auteur américain majeur, d'abord dans la BD underground, puis il toucha le grand public avec ses récits cauchemardesques qui gravitent dans des univers étonnants d'heroic fantasy ou de fantastique à tendance lovecraftienne, mêlé de SF et d'érotisme ; à vrai dire, c'est inclassable tant c'est déroutant par son mélange d'univers.
C'est en tout cas une bande d'une sensualité inouïe et d'une audace incroyable dans un pays comme les Etats-Unis, en ce début d'années 70, car elle fut commencée en 1973, plusieurs fois abandonnée, puis reprise et terminée en 1978. Ce chef-d'oeuvre vaut par la vigueur du dessin qui tient dans un réalisme photographique unique dû à la technique de l'aérographe ; Corben fut l'un des premiers grands dessinateurs à employer cet appareil qui permet d'obtenir des effets remarquables.
Son dessin est donc très caractéristique et très reconnaissable avec ses personnages aux corps disproportionnés, massifs, lourds et hyper musculeux, aux mâchoires très carrées, aux sexes énormes ; quant aux femmes, elles ont des seins et des fesses le plus souvent hypertrophiés, mais quand même très attirants, ce qui a bien fait fantasmer les étudiants américains de l'époque, car l'érotisme souvent sulfureux et idéalisé joue un grand rôle ici.
Avec Den, Corben cherche à restituer la nudité primitive ; il projette dans un décor désertique et hostile de monde hallucinant rempli de fureur, de violence et de sang, des personnages qui la plupart du temps se baladent à poil et affrontent des monstres redoutables, des hommes-lézards, des mutants grotesques, des reines nymphomanes à demi vêtues ou des despotes maléfiques. L'érotisme s'invite dans ces aventures très violentes où déjà Corben montrait des broyages de gueules en gros plan et des corps qui pissent le sang. Le sexe peut être torride parfois mais c'est un érotisme en principe idéalisé et esthétique ; le sang gicle, l'ensemble est fantasmatique, les corps sont distendus par l'effort, créant ainsi une étonnante beauté plastique.
Sans compter les cadrages et la mise en page moderne pour l'époque, qui est très approchante de certaines BD d'aujourd'hui (succession de gros plans et de plans larges). En plus d'un trait épais, il y a aussi chez Corben une autre caractéristique qui sont ses couleurs vives et pétantes créant de violents contrastes avec des pages plus sombres ou des couleurs froides. Pas étonnant qu'au vu de tout ceci, Corben se soit retrouvé dans le magazine Métal Hurlant qui l'a fait découvrir en France, c'est à peu près au milieu des années 80 que je découvre cette saga de Den et je suis devenu immédiatement fan de Corben ; Jean-Pierre Dionnet, l'un des co-fondateurs de Métal Hurlant, s'attachera Corben durablement à tel point qu'il livrera des récits en exclusivité pour ce magazine.
J'ai vu une belle expo il y a 2 ans lors du Festival de la BD d'Angoulême, avec de nombreuses planches originales, c'est fou de voir l'imagination de cet auteur et l'adulation dont il fait l'objet surtout aux Etats-Unis. Alors si vous ne connaissez pas Corben ou si vous hésitez, plus d'appréhension, découvrez sans hésiter des univers étranges servis par la force d'un dessin hors normes.

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le 28 nov. 2020

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