Quand Lovecraft plonge dans le manga, et qu’on en ressort hypnotisé

Dans Les Chefs-d'œuvre de Lovecraft : Dans l’abîme du temps, Gou Tanabe réussit l’exploit d’adapter l’indescriptible. Reprenant la plume tentaculaire de Lovecraft et la traduisant en un noir et blanc oppressant, il nous invite à une exploration du temps, de l’espace, et de l’angoisse pure. Mais attention, ce voyage n’est pas pour les âmes sensibles… ni pour les impatients.


L’histoire, fidèle à la nouvelle de Lovecraft, nous entraîne dans la descente aux enfers psychologique de Nathaniel Wingate Peaslee, un professeur frappé d’amnésie qui revient à lui avec des souvenirs impossibles, semblant provenir d’une entité cosmique. Ce qui pourrait n’être qu’une intrigue de science-fiction classique se transforme rapidement en une odyssée métaphysique où l’horreur vient moins des monstres que de la révélation de notre insignifiance face à l’univers. Tanabe capture cette essence avec une minutie presque effrayante.


Graphiquement, l’album est une pure merveille. Les paysages extraterrestres, les architectures cyclopéennes, et les créatures indicibles prennent vie dans un style à la fois détaillé et minimaliste. Chaque case semble s’étirer dans l’infini, reflétant à la perfection l’angoisse cosmique propre à Lovecraft. Cependant, cette richesse visuelle peut parfois sembler un peu trop contemplative, comme si Tanabe voulait s’assurer qu’on admire chaque grain de sable cosmique avant de tourner la page.


Côté narration, Tanabe fait preuve d’une fidélité impressionnante au texte original. Mais cette fidélité est à double tranchant : si les puristes de Lovecraft applaudiront, certains lecteurs pourraient trouver le rythme un peu trop lent, presque écrasant dans sa volonté de tout montrer et de tout expliquer. Il faut savourer l’album comme un vin rare et non comme un soda pétillant.


Le point fort réside dans l’atmosphère. Tanabe sait distiller l’angoisse, laissant planer une tension constante, comme une menace tapie juste hors de notre champ de vision. Mais cette tension, si elle captive, peut aussi peser. On aurait peut-être aimé un souffle d’air plus léger entre deux plongées abyssales.


En résumé, Dans l’abîme du temps est une adaptation magistrale qui réussit l’impossible : retranscrire l’horreur cosmique de Lovecraft en images, avec une fidélité et une intensité impressionnantes. Un voyage hypnotique dans l’indicible, qui fascine autant qu’il oppresse.

CinephageAiguise
9

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le 16 janv. 2025

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