Un album moyen plaisant par les gags qui s'enchaine mais auquel hormis un certain plaisir de lecture je n'avais jusqu'à ce jour jamais trouvé beaucoup d'intérêt.
C'est finalement en réfléchissant à l'attitude de Rantanplan (le personnage que je préfère de la saga) durant cette aventure qu'un certain sens m'est apparu. En effet durant toute l'histoire, Rantanplan ne cesse de se questionner sur l'identité de ce cow boy qui accompagne les Dalton. Tout au long des pages Rantanplan ne cesse d'énumérer des noms de personnages en se demandant si ce cowboy correspond au nom qui lui vient en tête. Il fait preuve dans l'exercice d'une capacité de raisonnement qui n'a rien d'idiot.
Exemple P 14
Rantanplan en pensée : "Il invite tout le monde au saloon... C'est peut-être Diamond Roberts le joueur... Il faisait ça quelques dois quand il avait gagné..." (Lucky Luke le caresse) " Non Diamond Roberts m'aurait donné un coup de pied... Il avait horreur des chiens... D'ailleurs , ça ne peut pas être lui; il a été pendu , un jour qu'il avait eu trop de chance"
On remarque la rigueur du raisonnement de Rantanplan :
1 constat "invitation au saloon"
2 hypothèse par rapprochement "Diamond Roberts" "faisait ça quelques fois"
3 Vérification de l'hypothèse par intégration de nouvelle donné (la caresse de LL s'oppose à l'horreur des chiens).
4 constat d'échec avec confirmation. "ça ne peut être lui; il a été pendu"
Un modèle de résonnement scientifique.
Rantanplan est un personnage qui s'attache au apparences en les prenant au sérieux. Au pied de la lettre.
Ainsi son incapacité à reconnaitre LL vient du fait qu'au départ une inversion est commise qui rend à ses yeux la situation incompréhensible.
LL fait sortir de prison les Dalton alors que normalement sa fonction et de les y ramener.
P 6
Rantanplan " Hein ? Quoi ? Les Dalton s'évadent ! Ca ne se passera pas comme ça"
lQuand à la fin Rantanplan croit enfin avoir identifier LL en la personne de Jerry Spring, son raisonnement est non seulement parfaitement logique et cohérent mais d'une certaine manière juste.
P 46
Rantanplan : "... ce cow-boy qui se tire de toutes les situations, qui a une chance invraisemblable, qui capture toujours les méchants... c'est..." (image suivante) "... JERRY SPRING !...."
On note que si Rantanplan se trompe sur la personne, il ne se trompe pas sur la fonction. Son raisonnement n'est pas en défaut son constat de l'action du héros pouvant s'adresser autant à LL qu'à Jerry Spring (qui d'ailleurs partagent la même convention graphique).
Enfin constatons que dans la grande confusion des apparences que développe toute cette histoire, Rantanplan est en définitive celui qui se trompe le moins. Pour lui les Dalton sont des bandits et il le reste alors que pour les habitants de Tortillas Gulch, (shériff et maire en tête) ne cessent de se tromper. En prenant d'abord les Dalton pour des bandits (alors qu'ils aspirent à faire bonne figure) puis en les prenant pour d'honnêtes citoyens alors qu'ils sont redevenus des bandits.
On note que LL lui-même est victime de ce jeu des apparences plusieurs fois, au début quand convoqué à la cour suprême des USA il se sent obligé de s'habiller d'un costume et d'équiper Jolly Jumper d'une mini selle anglaise.
P 3
Lucky Luke "Nous ne pouvons pas circuler à Washington habillés comme nous le sommes au Texas... Surtout quand nous sommes convoqués par la cour suprême des Etats-Unis"
A priori de respectabilité qui est de manière comique contredite par la dernière image de la page montrant les juges affalé fumant comme des pompiers les pieds sur la table.
En cours d'aventure on le voit s'interroger sur la réussite de l'expérience.
P. 34
Lucky Luke " L'expérience du sénateur Jonas O'Joyce semble être un succès.."
Au final deux personnages illustrent ce jeu des apparences le barman qui tombent dans tous les panneaux en prenant les Daton pour des bandits puis d'honnêtes citoyens puis à nouveau des bandits et enfin d'honêttes citoyens et Rantanplan qui grâce à sa rigueur de raisonnement est le seul de l'aventure à ne pas se tromper. Dès le départ pour lui les Dalton sont des bandits et ils le restent.
Et les Dalton ?
Que deviennent les Dalton dans cette histoire ? Eh bien ils semblent bien malgré eux victimes de ce jeu de mélange entre apparence et réalité. Car malgré leurs bonnes résolutions de rester de malhonnêtes bandits, il ne cessent de se laisser contaminer par le rôle d'honnêtes hommes qu'ils se contraignent à jouer.
Si Averell se prend rapidement au jeu,
P 9
Averell "Mais alors Joe nous sommes devenus honnêtes ?"
Joe "Averell, que tu sois bête passe , mais je n'admettrai pas que tu sois grossier !!"
On peut remarquer que Joe lui même est à son tour atteint quand page 18 il se rêve en honorable et paisible citoyen arpentant la rue habillé en bourgeois et salué avec respect par tous.
Au final on peut conclure que ce récit se présente comme une métaphore des rapports entre l'essence et l'apparence.
Et si copier l'attitude de l'honnêteté conduisait-elle à devenir honnête? Le récit laisse la question en suspend à l'image des Dalton de retour au pénitencier qui expriment un certain regret.
Averell "Je regrette un peu le temps où nous faisions semblant d'être honnête..."
Jack "Ouais c'est quand même beau la liberté..."
William "Ouais nous avons peut-être raté une occasion..."